Revenir en prison

France 2 vient de diffuser le troisième volet du documentaire de François Chilowicz intitulé « Hors la Loi », dont « transhumances » a déjà rendu compte. Cet épisode avait pour titre « revenir en prison », après « entrer en prison » et « rester en prison ».

 Le titre de cette troisième partie, « revenir en prison », en indique d’emblée la tonalité. Il met le doigt sur la difficulté du système judiciaire et carcéral à atteindre son principal objectif : aider ses « sujets » à prendre la mesure de leur déviance et leur donner les moyens de reconstruire leur vie.

 Du côté des « sujets » de la justice, il y a la propension au déni. Accusé de cambriolage, multirécidiviste, D se proclame innocent et se pose en victime de l’injustice de la Justice. Il refuse les travaux d’intérêt général, car il estime injuste de travailler sans rémunération. Arrêté pour avoir conduit sans permis, sans assurance et en état d’ivresse, P bénéficie d’une libération conditionnelle sous condition de suivre un traitement pour son addiction. Mais il considère que le traitement ne se justifie pas : il ne boit pas… sauf quand il boit. S, âgé de 45 ans et père de 3 enfants, est accusé d’agression sexuelle contre une personne vulnérable dans le centre où il était éducateur sportif. Il nie en bloc et raconte un scénario invraisemblable de ce qui s’est passé. L’avocate de la partie civile explique à la Cour que cette dénégation elle-même fait courir un risque de récidive à la société et requiert 3 ans de prison ferme. Le tribunal ira au-delà et prononcera une peine de 4 ans, dont S fera appel.

 Du côté de l’administration de la justice, le risque est celui du jargon. Un juge d’application des peines ou un conseiller de probation dira volontiers qu’il faut « mettre en place un projet de réinsertion ». Pour le détenu, cette phrase toute simple peut sonner creux. Qu’est-ce qu’un projet, lorsqu’on vit au jour le jour, parfois sous la dépendance de l’alcool ou d’une drogue ? Quelles réelles opportunités existent-elles d’apprendre un métier, de trouver un logement, de recréer des liens stables et affectueux hors du milieu de la délinquance ? L’expression « mettre en place » elle-même, bien qu’utilisant des mots simples, semble jargonneuse : qui parle comme cela dans la vie, hormis les travailleurs sociaux ?

 Le documentaire de François Chilowicz est solidement construit. Il ne se départ jamais de son parti pris de départ, vivre les événements du point de vue de celui qui est arrêté, gardé à vue, incarcéré et jugé. Le montage est séquentiel, suivant pas à pas le parcours policier et judiciaire de six personnes interpellées pour divers crimes ou délits. Le cadrage est rigoureux, alternant l’impersonnalité des commissariats, de la prison et du palais de justice et les visages des hommes et femmes auxiliaires de la justice. La musique elle-même exprime bien le caractère anxiogène des procédures et l’extension du temps qui n’en finit pas de passer.

 Au fond, « Hors la Loi » est un film profondément humain. Il met en lumière l’intensité des efforts consentis par tous les acteurs du système de la justice pour comprendre les individus et leur donner une chance. Il est aussi humain en ce qu’il montre le profond enracinement du mal dans des personnalités si intimement déformées qu’elles ne peuvent reconnaître la faute ni s’amender.

Bristol Pound

 

L'affiche du lancement de la livre de Bristol

 

La ville de Bristol vient de lancer sa monnaie locale : la livre de Bristol, Bristol pound.

 La livre de Bristol est émise par une « credit union », l’équivalent d’une caisse de crédit mutuel. Les usagers peuvent y ouvrir un compte sur la base de la parité : 1 livre sterling est convertie en 1 livre de Bristol. Ils peuvent payer en Bristol pound des biens et des services proposés par des commerçants qui l’acceptent, plus d’une centaine actuellement. Elle prend la forme de coupures de £1, £5, £10 et £20, mais elle peut aussi être utilisée électroniquement pour payer des factures, par ordinateur ou depuis un téléphone portable. Puisque la Bristol Credit Union est homologuée par le régulateur bancaire, la FSA, les déposants jouissent d’une garantie de leurs avoirs jusqu’à 85.000 livres par personne.

 L’objectif de cette monnaie est de retenir dans l’économie locale une part plus grande des revenus qu’elle génère. Les commerçants espèrent que les acheteurs se tourneront vers eux pour écouler leur monnaie locale. Les consommateurs agissent par patriotisme régional : ils entendent participer à une initiative qui stimule l’économie de leur ville. Autre argument ; s’ils utilisent un compte électronique libellé en Bristol pound, ils reçoivent une prime de 5 livres pour 100 livres déposées.

 D’autres villes britanniques ont mis au point un système semblable : Totnes, dans le Devon, se lança en  2006. Bristol a plusieurs atouts : sa taille, le soutien d’une « credit union » et celui de la municipalité, ainsi que la coexistence d’une forme papier et d’une forme scripturale.

 « Transhumances » a rendu compte en novembre 2009 de l’expérience de la Banque Palmas qui gère une monnaie locale dans le périmètre d’une favela, le Conjunto Palmeiras. L’objectif était de créer de la richesse en partant du principe que le produit brut d’un territoire est le produit de la masse monétaire par sa vitesse de circulation. En faisant circuler très vite une monnaie dans un espace restreint, on accroit le revenu de ses producteurs et de ses consommateurs. Les initiateurs de la Bristol pound évoquent l’effet multiplicateur de la circulation de la monnaie locale. Les objectifs sont toutefois modestes : 125.000 Bristol pounds en circulation aujourd’hui, et un objectif de 500.000 dans un an qui ne représente qu’une fraction infime de la monnaie en circulation dans la région. Mais l’effet symbolique est considérable : Bristol rejoint d’autres grandes métropoles, comme Hambourg ou Toronto, dans le club des villes avides d’innovation sociale et décidées à la faire advenir.

Coupures de Bristol pound

VatiLeaks

 

Tarcisio Bertone, Secrétaire d'Etat et Cardinal Camerlingue. Photo La Croix.

La presse se fait l’écho des fuites de courriers confidentiels du pape Benoît XVI, probablement dans le cadre d’une tentative de déstabilisation du Secrétaire d’Etat du Vatican, Tarcisio Bertone.

 Le pape a nommé Tarcisio Bertone Secrétaire d’Etat, l’équivalent d’un premier ministre, en 2006 peu après son accession au pontificat. Il entendait qu’un homme de confiance gère la bureaucratie vaticane, lui laissant ainsi le loisir de se concentrer sur les questions doctrinales.

 Visiblement, le binôme à la tête de l’Eglise Catholique est dysfonctionnel. Le Vatican est traversé par des luttes de clans pour le pouvoir, dans lesquelles l’argent joue un rôle capital. La bureaucratie vaticane, loin d’unir ses forces pour servir les objectifs de l’Eglise, se divise contre elle-même.

 C’est probablement le principe même d’une division des tâches entre gouvernement et doctrine, reflétant l’opposition du matériel et du spirituel ou de l’impur et du pur, qui est en cause.

 Le spirituel est-il étranger aux corps, ceux des individus comme des sociétés ? Gouverner de manière autoritaire, machiste et opaque n’aurait-il aucune portée spirituelle ? Si au contraire on se prenait à rêver, encourager la prise de parole et l’initiative des croyants les plus humbles, obliger les clercs à rendre compte de leurs actes, placer les femmes à égalité de droits avec les hommes, tout cela  ne serait-il pas porteur d’un message évangélique ?