La double vie de Sarah Bernhardt

« Ma double vie » devait être le premier tome de l’autobiographie de Sarah Bernhardt (Feuilletto, 2012). Ecrit en 1907, le livre couvre la période qui s’étend de la naissance de Sarah (1844) à sa première tournée triomphale aux Etats-Unis (1880 – 1881). L’actrice est morte en 1923 sans avoir poursuivi ce travail.

 J’ai eu envie de lire la biographie de Sarah Bernhardt en visitant à la Pinacothèque de Paris l’exposition sur l’Art Nouveau. On y trouve en effet des affiches d’Alfons Mucha faisant la promotion de son théâtre et un autoportrait sculpté. Non conventionnelle, féminine, libre, pluridisciplinaire, la comédienne a partie liée avec un mouvement artistique tout entier construit sur la nature, la féminité et l’application aux objets de la vie quotidienne. Continuer la lecture de « La double vie de Sarah Bernhardt »

Didon et Enée au Grand Théâtre de Bordeaux

L’opéra « Didon et Enée » de Henry Purcell est actuellement donné au Grand Théâtre de Bordeaux.

 Le Grand Théâtre de Bordeaux, avec sa grande salle à l’italienne de mille places, se prête particulièrement bien à la musique baroque. Henry Purcell, qui composa l’opéra Didon et Enée en 1687, près d’un siècle avant l’inauguration du théâtre, s’y serait senti à l’aise.

 Le metteur en scène Bernard Lévy a pourtant choisi la modernité. Les chanteurs sont en costume d’aujourd’hui et la scène est dépouillée. Sur un écran en fond de scène est projetée la traduction du livret. A la fin de chaque acte, les phrases dites apparaissent nettement, puis s’emmêlent, se tordent et disparaissent dans un nuage digital.

 La reine de Carthage Didon (Isabelle Druet) aime le roi de Troie Enée (Florian Sempey) qu’elle reçoit en son palais. Mais des sorcières malicieuses font croire à Enée que la raison d’état l’appelle à Rome. Didon meurt de chagrin.

 Le metteur en scène souligne le côté comique des sorcières, qui s’amusent à délivrer à Enée un faux message de Jupiter et à précipiter ainsi la ruine de Didon. Le mal n’est pas l’absence de lien social et la prévalence de haines enracinées, comme dans la vraie vie. Il est l’effet d’un jeu, une sorte de pile ou face joué par des sorcières rigolotes. C’est baroque et troublant.

 En première partie, le directeur musical Sébastien d’Hérin propose plusieurs œuvres de Purcell. On est frappé par la multiplicité de ses influences, de Lulli aux danses celtiques d’Ecosse.

Último Elvis

Último Elvis, premier film du jeune réalisateur argentin Armando Bo, nous met dans les pas d’un ouvrier qui s’est si totalement identifié avec son idole que sa propre personnalité finit par se dissoudre.

 A l’usine, tout le monde appelle Carlos Gutiérrez « Elvis ». Carlos ne ressemble guère à Elvis Presley, si ce n’est peut-être à l’Elvis des dernières années gagné par l’obésité. Mais le soir, recruté par une agence de sosies, il prête sa voix à son idole et finit par s’identifier totalement avec lui.

 Carlos/Elvis vit sur une autre planète que ses proches, séparé de sa femme Alejandra qu’il appelle Priscilla et étranger à sa petite fille qu’il a naturellement dénommée Lisa Marie. Un accident de voiture d’Alejandra et Lisa Marie va l’obliger à s’occuper de la fillette et à devenir, un peu, le père qu’Elvis ne s’est jamais autorisé à devenir. Ceci va-t-il le détourner de son projet, celui de fêter ses 42 ans à Memphis, Memphis où Elvis est mort à l’âge de 42 ans ?

 Armando Bo a choisi pour le rôle d’Elvis le chanteur qu’il avait initialement retenu pour être le coach de l’acteur principal : John MacInemy débute donc au cinéma avec ce film. Il y apporte une émotion à fleur de peau, en particulier dans l’interprétation des chansons. Les deux personnages féminins sont bien servis par Griselda Siciliani dans le rôle d’Alejandra et la jeune Margarita López dans celui de Lisa Marie.

 Último Elvis est un beau film, tout en sensibilité, basé sur un scénario solide et original. Il semble que ce soit la première fiction jamais réalisée sur le mythe d’Elvis Presley. Il constitue un bel hommage au travail musical du chanteur.

John MacInemy dans le rôle de Carlos/Elvis

Alceste à bicyclette

Fabrice Lucchini, Maya Sansa et Lambert Wilson dans « Alceste à bicyclette »

« Alceste à bicyclette », film de Philippe Le Guay, est une réjouissante comédie dont les toiles de fond sont le Misanthrope de Molière, l’île de Ré et le talent de deux grands acteurs, Fabrice Lucchini et Lambert Wilson.

 Serge Tanneur (Fabrice Lucchini) est un acteur précocement retraité à l’île de Ré. Brouillé avec la profession du spectacle, où il ne ressent que compromissions et trahisons, brouillé avec son propre fils, brouillé avec lui-même, il mène depuis trois ans une vie d’ermite dans une maison en ruine puant la fosse sceptique. A l’inverse, Gauthier Valence (Lambert Wilson) est l’acteur à succès d’une série télévisée ; dans la rue, les passants lui demandent des autographes.

 Gauthier rend à Serge une visite surprise. Il a le projet de monter le Misanthrope et pense que Serge, par son talent et peut-être aussi par sa misanthropie, serait idéal pour le rôle d’Alceste ou de son envers, Philinthe. Serge refuse de revenir de ses trois ans d’exil, mais, fasciné par le texte de Molière, accepte de répéter avec Gauthier. Au bout d’une semaine, il prendra sa décision.

 Serge semble reprendre goût à la vie. Il s’enflamme pour les alexandrins de Molière et pour la jolie Francesca (Maya Sansa), une italienne qui traverse un divorce douloureux. Déclamant le Misanthrope, Serge et Gauthier longent les chemins de drainage « à bicyclette », et comme dans la chanson de Montand, ils rêvent l’un et l’autre à ce qu’ils feraient, le lendemain, avec Francesca.

 Le film semble s’orienter vers un happy end. Mais l’ombre d’Alceste, le Misanthrope, plane sur les personnages…

 « Alceste à bicyclette » est dominé de la tête et des épaules par Fabrice Lucchini au point que Lambert Wilson semble faire pâle figure. A la réflexion toutefois, la domination d’un personnage par l’autre est inscrite dans le scénario : Gauthier est manipulé par Serge, qui parvient à lui instiller le doute. Il se cabre et se rebelle, mais ne peut échapper à la position d’élève que son partenaire lui impose. Finalement, jouer le mauvais acteur, lorsqu’on a le talent de Lambert Wilson, est une véritable performance.

 Le film de Philippe Le Guay avait tout pour me séduire, la littérature, la bicyclette et l’Italie. Je ferai une mention spéciale de Maya Sansa, pour qui j’avais eu le coup de foudre dans « Nos meilleures années ».