Jappeloup

« Jappeloup », film de Christian Duguay dont Guillaume Canet et le cheval Jappeloup sont les personnages principaux, est un bon film familial qui nous plonge dans l’univers des compétitions internationales de jumping.

 Nous sommes dans la région bordelaise, au milieu des vignes. Serge Durand (Daniel Auteuil) a créé un centre hippique de haut niveau et rêve de faire de son fils Pierre (Guillaume Canet) un champion international. Il acquiert un cheval noir, trop petit, trop caractériel, mais qui se révèle un sauteur hors pair : Jappeloup. Continuer la lecture de « Jappeloup »

Lincoln

Le dernier film de Steven Spielberg met en scène des derniers mois de la vie d’Abraham Lincoln, en particulier son combat parlementaire pour faire adopter le treizième amendement à la Constitution Américaine prohibant l’esclavage.

 En janvier 1865, Lincoln (Daniel Day-Lewis) vient d’être réélu président des Etats-Unis. Au prix de centaines de milliers de victimes, il est sur le point de gagner la guerre contre les Confédérés sudistes. « Transhumances » a évoqué la toile de fond de la guerre de Sécession : la lutte à mort des émigrants avides de cultiver eux-mêmes une propriété agricole contre les latifundistes du sud, dépendant de la main d’œuvre esclave. L’émancipation des esclaves décidée par Lincoln en 1862 était d’abord une manœuvre tactique visant à désorganiser l’économie du sud. Trois ans plus tard, Lincoln a admiré, sur le terrain, la bravoure de soldats noirs dans les rangs Unionistes. Il est devenu sincèrement abolitionniste.

 Le film de Spielberg s’inspire d’un livre de l’historienne Doris Kearns Goodwin intitulé « une équipe de rivaux, le génie politique d’Abraham Lincoln ». C’est en effet à la dissection d’une lutte politicienne que s’attache le réalisateur.

 Les Républicains, le Parti du Président, vient de remporter la majorité simple à la Chambre des Représentants, mais il faut la majorité des deux tiers pour amender la Constitution. Lincoln est pressé. Les Sudistes sont au bord de la capitulation. Mais Lincoln sait que leur réintégration dans l’Union ferait basculer la majorité dans le camp du « non » à l’amendement. Il faut profiter d’une fenêtre d’opportunité de seulement quelques semaines pour faire passer l’amendement.

 La tâche semble impossible. Les Républicains eux-mêmes sont divisés. Thaddeus Stevens (Tommy Lee Jones), leader des radicaux, est en faveur d’accorder aux noirs l’égalité civique dès maintenant. L’aile droite du parti conditionne son appui à des négociations de paix avec les Sudistes. Le Président promet à la droite qu’il va négocier mais torpille les discussions ; il jure à la gauche qu’aucune négociation n’est engagée, alors qu’il sait la délégation sudiste déjà en ville. La feinte et le mensonge sont excusables à ses yeux, puisque c’est pour une cause noble et historique.

 Il faut à tout prix obtenir 20 voix parmi les démocrates. Lincoln et ses hommes définissent une stratégie : on s’attaquera aux représentants démocrates qui ont été battus en novembre et quitteront l’assemblée dans quelques semaines. Ils constituent le flanc faible de leur parti. On leur propose des postes en échange de leur vote en faveur de l’abolition. La corruption vole au secours d’une disposition constitutionnelle humaniste et profondément éthique.

 Lincoln apparait dans le film comme un homme habité d’une puissante conviction et d’une empathie peu commune avec le peuple. Mais pour atteindre son objectif, faire voter l’abolition de l’esclavage, il fait de la politique politicienne et manipule sans vergogne amis et adversaires. Il ne peut qu’accumuler les haines, celles qui auront raison de lui quelques mois après le vote de l’amendement constitutionnel. Le 15 avril 1865, il meurt des suites de l’attentat perpétré la veille.

Garibaldi

Dans « Garibaldi » (Collezione Identità Italiana, Il Mulino, 2010), Andrea Possieri situe Giuseppe Garibaldi et son mythe dans leur contexte historique.

 Le livre commence par un extrait de la Dottrina Garibaldiana (la Doctrine Garibaldienne), livre paru après l’expédition des Mille de 1860 :

 « – Qui est Garibaldi ?

          Garibaldi est un esprit extrêmement généreux, béni du ciel et de la terre

          Combien y a-t-il de Garibaldi ?

          Il n’y a qu’un seul Garibaldi

          Où est Garibaldi ?

          Garibaldi est dans le cœur de tout italien honnête, à condition qu’il ne soit ni une mauve ni un pavot

          Combien de personnes y a-t-il en Garibaldi ?

          En Garibaldi il y a trois personnes réellement distinctes.

          Quelles sont ces trois personnes ?

          Le Père de la patrie, le Fils du peuple, l’Esprit de la liberté »

 Ce texte dénote la ferveur populaire qui a accompagné Garibaldi et aussi la relation de fascination et de haine du héros et de ses disciples à l’égard de l’Eglise Catholique, dont on reprend mot pour mot les termes du catéchisme tout en en changeant l’objet.

 L’ouvrage d’Andrea Possieri s’adresse à des lecteurs déjà familiers du personnage de Garibaldi. Une chronologie et une courte notice biographique sur les principaux personnages m’auraient été utiles.

 Rappelons donc que Garibaldi est né en 1807 à Nice, alors part de l’Empire Napoléonien. A l’âge de 15 ans, il s’embarque comme mousse sur la marine marchande. Il gagne ses galons de capitaine de seconde classe, dix ans plus tard, après avoir navigué sur les routes maritimes de la Méditerranée et de la Mer Noire. A l’âge de 44 ans, réfugié au Pérou après l’échec de la République Romaine de 1848, c’est son métier de navigateur qu’il embrassera de nouveau.

 Garibaldi a été qualifié de « héro des deux mondes ». Il a en effet gagné ses galons de chef de guerre au Brésil dans la guerre de sécession du Rio Grande, puis en Uruguay à la tête de la Légion italienne. Possieri le définit joliment comme un héros « amphibie » : il combat dans la marine, mais au contact des gauchos uruguayens il apprend aussi les longues chevauchées, les marches de nuit, les techniques de la guérilla. En Amérique latine, il adhère à la franc-maçonnerie et épouse la cause de l’indépendance italienne. A partir de 1848, la réunification de l’Italie, même sous la coupe de la monarchie piémontaise, devient son unique objectif. Et cet objectif inclut naturellement la ville de Rome et les Etats Pontificaux.

 C’est une véritable vie de légende qu’a vécue Garibaldi, d’une bataille à l’autre : les batailles de Lombardie et de la République romaine en 1848, la fuite rocambolesque par les Apennins et la mort de sa femme Anita en 1849, la seconde guerre d’indépendance de l’Italie en 1858 – 1859, l’expédition des Mille aboutissant à l’effondrement du Royaume des Deux Sicile en 1860, la défaite dans l’Aspromonte en 1862, la campagne de Vénétie en 1866, la défaite de Menana infligée par les troupes franco-pontificales près de Rome en 1867, et finalement la participation à la guerre de la France contre les Prussiens en Franche Comté et Bourgogne en 1870.

 A l’issue de sa campagne de France, Garibaldi fut élu député à l’Assemblée Constituante siégeant à Bordeaux. Le 13 février 1871, raconte Possieri, « il fit son entrée dans la salle de l’Assemblée « vêtu de sa chemise rouge et de son grand chapeau de feutre ». La majorité catholique et conservatrice des députés l’accueillit dans un climat de vibrantes protestations car à leurs yeux il continuait à être un aventurier à la recherche de gloire personnelle et un ennemi historique de la France. Garibaldi, qui donna immédiatement sa démission et rejoignit Marseille le soir même, fut passionnément défendu par Victor Hugo dans un discours parlementaire par lequel celui-ci soutint que non seulement il avait été le seul à venir au secours de la France, mais qu’il était le seul général à ne pas avoir été vaincu ».

 Garibaldi avait trouvé dans l’île de Caprera, au nord de la Sardaigne, un point d’attache. C’est là qu’il mourut le 2 juin 1882. Il avait vécu à Nice, Gênes, Constantinople, Montevideo, New York, en mer et sur d’innombrables routes et chemins. Il fut un héros de la mondialisation, avant que le terme fût créé.

Vies d’exil

La Cité nationale de l’histoire de l’immigration présente à la Porte Dorée, à Paris, une exposition intitulée « Vies d’exil : des Algériens en France pendant la guerre d’Algérie (1954 – 1962).

 Le Palais de la Porte Dorée a été construit en 1931 dans le cadre de l’exposition internationale. Il fut un musée des colonies, puis musée national des arts d’Afrique et d’Océanie avant que les collections soient transférées – en 2003 – au nouveau musée du Quai Branly. Depuis 2007, le palais abrite la Cité nationale de l’histoire de l’immigration ainsi que l’Aquarium.

 La visite du palais est en elle-même intéressante. Son architecte Albert Laprade l’a conçu en mêlant le style Art Déco, l’architecture classique française et l’architecture du Maroc. La salle des fêtes, devenue forum, et les deux salons de réception, celui du Maréchal Lyautey et celui du Ministre Paul Reynaud ont une décoration de bon goût mais délibérément exotique. L’immense façade en bas relief d’Alfred Auguste Janniot évoque les multiples réalités qui constituaient l’empire colonial français.

 Le palais abrite une exposition permanente qui, à partir d’objets, de documents écrits, de photos, de peintures, d’enregistrements radiophoniques et de films, explique les différentes phases de l’immigration en France, belge, puis italienne, polonaise, espagnole et portugaise, et, plus récemment, maghrébine, turque, africaine ou vietnamienne.

 Jusqu’au 19 mai, l’exposition temporaire est consacrée à l’immigration algérienne en France pendant la guerre d’Algérie. On y trouve des documents passionnants sur la vie dans les bidonvilles de Gennevilliers et de Nanterre, les musiciens qui se produisaient dans les cafés, les écrivains, la montée du nationalisme, la guerre fratricide entre le MPLA et le FLN, la répression menée par le ministre Papon, les porteurs de valise et finalement l’indépendance. L’exposition rend présente une époque déjà séparée de nous par une génération mais dont les blessures restent à fleur de peau. Elle le fait en adoptant le point de vue des Algériens exilés en France : ce décentrement est bienvenu.

Le salon de Lyautey au Palais de la Porte Dorée