Falaise Fiscale aux Etats-Unis

 

Négociation fiscale bipartisane à Washington. Photo New York Times

 

L’interminable crise de la zone euro ne cacherait-elle pas une crise plus grave, celle d’une récession de l’économie américaine causée par « the fiscal cliff », la « falaise fiscale » ?

 L’expression « falaise fiscale » a été popularisée par le Gouverneur de la Réserve Fédérale américaine, Ben Bernanke. Elle désigne le risque de massives augmentations d’impôts et de réductions de la dépense publique dès janvier 2013 si Démocrates et Républicains ne trouvent pas d’ici là un terrain d’entente. Du côté impôts, les mesures d’allègement de l’ère Bush, principalement généreuses pour les grandes fortunes, arrivent à expiration au 31 décembre ; et la correction du barème de l’impôt en fonction de l’inflation n’a pas encore été votée. Du côté des dépenses, un programme d’urgence d’indemnisation du chômage arrive lui aussi à son terme, et l’habituelle subvention d’équilibre permettant de payer les médecins des programmes Medicare et Medicaid n’a pas été votée.

 Mais il y a plus. Aux termes d’un accord d’août 2011 entre le président Obama et la majorité républicaine à la chambre des représentants, sitôt qu’un seuil d’endettement public sera atteint, les dépenses seront automatiquement réduites et les impôts automatiquement augmentés. Or, selon de patron d’UPS Scott Davis, l’endettement public américain s’accroit de 3 millions de dollars par minute. Le plafond d’endettement sera atteint en janvier.

 Le non renouvellement des mesures fiscales arrivant à échéance et l’application de réductions automatiques opèreraient sur l’économie américaine un prélèvement supérieur à 500 milliards de dollars, soit 3 à 4% du produit national brut. Une grave récession pourrait s’ensuivre, qui rejaillirait presque immédiatement sur les autres grandes économies européennes et asiatiques. Certains économistes disent que l’expression « falaise fiscale » est faible et qu’il vaudrait mieux parler de « debtpocalypse » ou « debtmageddon ». D’autres au contraire préfèrent l’expression de « pente fiscale » (fiscal slope), car les effets de réductions massives seraient répartis sur plusieurs mois, ce qui laisserait aux politiques le temps de réagir.

 Il est très possible qu’un compromis soit trouvé en décembre. Les Républicains sont sortis affaiblis de l’élection de novembre, les rhétoriques de campagne ne sont plus de saison et les sondages montrent que la plupart des Américains leur imputerait la responsabilité d’un échec.

 Il reste que, par les sommes en jeu et le rôle de superpuissance joué par les Etats-Unis, la falaise fiscale représente un risque important pour l’économie mondiale.

Ecosse et Catalogne : vers l’indépendance ?

 

Alex Salmond et David Cameron signent le pacte d'Edimbourg

 

La question de l’indépendance de l’Ecosse et de la Catalogne a été au cœur de l’actualité de ce mois d’octobre.

 « Le gouvernement britannique et le gouvernement écossais sont tombés d’accord pour qu’un référendum sur l’indépendance écossaise soit organisé », titrait The Guardian le 16 octobre. Le pacte d’Edimbourg fait suite à l’élection au parlement écossais d’une majorité nationaliste. A l’issue de plusieurs mois de négociation, Alex Salmond a obtenu que le referendum ait lieu en 2014 et non en 2013 comme le souhaitait Cameron, et que les jeunes de 16 et17 ans puissent voter, ce qui accroit les chances du vote indépendantiste. Cameron de son côté obtient qu’une seule question soit posée : voulez-vous oui ou non que l’Ecosse devienne indépendante ? Salmond aurait aimé ajouter une seconde question sur la dévolution de plus de pouvoirs à l’Ecosse, quelle que soit la réponse à la première question.

 Le président de la Généralité catalane, Artur Mas, a quant à lui déclaré que si son parti était réélu aux élections régionales du 25 novembre, il organiserait un référendum sur la question suivante : « voulez-vous que la Catalogne devienne un nouvel état au sein de l’Union Européenne ? » Le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy a réagi brutalement à cette déclaration. Le ministre de la justice Alberto Ruiz Gallardon a menacé Mas de rétorsion : « si une personne commet un acte illégal, elle doit répondre de ses actions. »

 Qu’est-ce qui explique le fossé qui sépare la négociation d’Edimbourg et l’affrontement crispé entre Madrid et Barcelone ?

 Une partie de la différence tient à la conjoncture. En Ecosse, une minorité est actuellement en faveur de l’indépendance : 34% pour, 55%  contre. Cameron pense que le « non » l’emportera en 2014 ; Salmond pense que ses chances de renverser la tendance sont sérieuses. Dans l’Espagne déchirée par la crise économique, le ressentiment des Catalans contre le gouvernement central n’a cessé de croître : leur région est en faillite, ce qui est une source d’humiliation, mais le déficit est du en partie aux transferts vers d’autres régions. Les chances du oui au référendum, s’il avait lieu, seraient élevées.

 Il y a aussi une grande différence culturelle. Les Ecossais ont été opprimés par les Anglais au dix-huitième siècle, mais la Royauté se proclame, depuis Balmoral, aussi écossaise qu’anglaise. Par ailleurs, le gaélique n’est presque pas parlé, et la langue n’est pas un marqueur national. En revanche, la langue catalane est parlée par une majorité de la population. La guerre civile espagnole, la victoire du franquisme et l’écrasement des nationalités est un souvenir qui brûle encore sous la cendre. Le problème est d’autant plus aigu que le Parti Populaire est, à bien des égards, un héritier du franquisme. La réaction de nombre de ses partisans en face des revendications nationalistes, en particulier basques mais aussi catalanes, est parfois proche de l’hystérie.

 Enfin, le contexte institutionnel est différent. Parce qu’elle voulait éviter la répétition des clivages meurtriers, la constitution espagnole n’inclut pas de mécanismes souples de révision et ne considère pas la possibilité d’un démembrement. L’absence de Constitution écrite de la Grande Bretagne permet de définir, par consensus, des processus permettant de gérer même la possibilité que le Royaume Uni d’Angleterre, Galles, Ecosse et Irlande du Nord vienne à disparaître.

Artur Mas acclamé par ses partisans. Photo El Pais.