A La Réunion, Grand Coude

 

Théier au Labyrinthe du thé, à Grand Coude. Photo « transhumances »

 

Le village de Grand Coude, dans les hauts de Saint Joseph, procure un véritable dépaysement. On y rencontre des entrepreneurs qui cherchent et trouvent leur chemin original à l’Ile de La Réunion.

 Le site de Grand Coude est remarquable. Il s’agit d’un plateau situé entre 1.200 et 1.400 mètres d’altitude, à une vingtaine de kilomètres de Saint Joseph, dans le sud de l’île. Le plateau est bordé de deux rivières profondément ravinées, la rivière des Remparts et la rivière Langevin ; à un certain point, la distance séparant les deux gouffres d’excède pas quelques centaines de mètres. Des belvédères y ont été aménagés, avec des kiosques et des barbecues à bois pour faire réchauffer les caris : les Réunionnais aiment prendre le frais ici pour se reposer de la chaleur des villes.

 L’arrivée à Grand Coude fait un choc. Une grande partie des terres est occupée par de gras pâturages où paissent des bovins. En fin de matinée, une brume épaisse s’installe et apporte de la fraîcheur. On oublie que l’on se trouve dans un pays tropical et on peut s’imaginer dans le Jura ou dans les Alpes.

 Nous déjeunons à l’auberge du Cissia, ouverte par un éleveur, René Grenier, il y a trois ans. Celui-ci a compris que la voie du succès passe par la diversification. Ses collègues qui ne pratiquent que l’élevage sont soumis aux aléas des prix du lait, et plusieurs ont jeté l’éponge. Il mène de front trois activités en plus de l’élevage : la production de litière en copeaux de bois pour la production de poulets, l’ébénisterie et la table d’hôtes. Sa table est excellente. On y déguste un succulent jus de goyavier, une variété de rhums arrangés, un cari de poulet et un chop suey de camarons (crevettes) et une excellente crème de goyaviers avec un gâteau maison.

 Nous nous rendons ensuite au labyrinthe du thé. Originellement boisé, le plateau de Grand Coude fut défriché puis alternativement consacré au géranium et au thé selon les cours mondiaux et les coûts de production, les primes à la plantation succédant aux primes à l’arrachage. Grand Coude fut ainsi, de manière éphémère, un centre de production de thé. On y construisit même une usine de traitement du thé, qui ne fut jamais mise en service et qui sert aujourd’hui de salle municipale. Une famille a installé ici un pôle d’activité qui inclut un parcours touristique dans la plantation, la production de géranium et de thé et la vente aux touristes de produits locaux. Comme à la plantation Grenier, le mot d’ordre est « diversification » : l’orientation vers le tourisme garantit que les produits sont vendus avec des marges importantes. Encore faut-il garantir la qualité. C’est ici que la place singulière de La Réunion dans l’Océan Indien se transforme en atout : certes, les coûts de production sont incomparablement plus élevés que dans les pays voisins. Mais le niveau d’infrastructures et de formation permet de concevoir, élaborer et commercialiser des produits qui rencontrent le désir d’authenticité, de respect de l’environnement et d’originalité qui animent les élites occidentales.

A la sortie de Saint Joseph sur la route de Grand Coude, un bâtiment administratif est indiqué comme « Point d’accès à l’emploi ». Nul ne semble s’être ému de la double lecture possible, alors même que l’accès à l’emploi est impossible pour de nombreux Réunionnais, en particulier dans le sud de l’île. L’auberge du Cissia et le labyrinthe du thé ont le mérite de créer de l’activité dans un village reculé de l’île.

Paysage de Grand Coude. Photo « transhumances »

L’Eglise Anglicane à la croisée des chemins

Jane Freeman, curé de Wickford. Photo The Guardian.

La désignation du successeur de Rowan Williams au poste d’archevêque de Cantorbéry, et donc à la tête de la Communion Anglicane, sera annoncée aujourd’hui dans une conférence de presse. Justin Welby devra faire face à une situation semblable à celle de l’Eglise Catholique en Grande Bretagne et plus généralement en occident : la désaffection des fidèles combinée à la raréfaction du clergé.

 Plusieurs facteurs devraient rendre la situation sociologique de l’Eglise Anglicane moins critique que celle de l’Eglise Catholique. Le rôle de prêtre y a les attributs d’un véritable métier, rémunéré par l’Etat, accessible à tous les croyants, hommes et femmes, permettant à ceux qui l’exercent de fonder une famille. Pourtant, comme l’écrit Andrew Brown dans The Guardian le 31 octobre, une réforme en profondeur est devenue indispensable.

 « Si la Chrétienté meurt en Angleterre, elle mourra d’abord à la campagne. Cela peut sembler paradoxal. Quand on pense à la Chrétienté anglaise, on pense aux églises médiévales qui se dressent au cœur de villages tranquilles. On peut penser que les parties les plus traditionnelles du pays vont s’accrocher aux voies traditionnelles telles que la Chrétienté. Mais les traditions sont largement mortes ; et les églises avec elles. »

 Brown cite le cas de la paroisse de Wickford, dans le comté de l’Essex, au nord-est de Londres. Ce fut un village ; c’est aujourd’hui une succession de maisons en bordure d’une nationale. Son église date des années 1960. « Elle pourrait contenir dix fois plus de fidèles que les 31 rassemblés aujourd’hui. Cinq peut-être avaient moins de 50 ans ; et huit étaient de sexe masculin ». Le curé, Jane Freeman, constate que la religion a été rendue inutile par le succès matériel et que les gens ont perdu l’habitude de la foi.

 Wickford est dans une situation intermédiaire entre la grande ville et le désert rural. « Dans les villes, dit Brown, la religion fleurit parce qu’elle offre  les bénéfices de la communauté. Dans les faubourgs, toutes sortes d’églises peuvent trouver une niche : dans la ville où je vis dans le nord de l’Essex, il y a des églises pour les Baptistes, les Quakers, les Catholiques Romains, les Méthodistes et une assemblée pentecôtiste dans la zone industrielle, ainsi que les Anglicans dont l’église pourrait contenir 1.000 personnes et en reçoit encore 170 un dimanche normal. »

 Dans les communes rurales, seule subsiste l’Eglise Anglicane, elle-même aux prises avec des difficultés considérables : moins de fidèles, des fidèles plus âgés, moins de prêtres, des charges financières considérables pour l’entretien des lieux de culte et le paiement des retraites du clergé. Malgré la résistance des habitants, qui voudraient conserver leur curé à demeure, l’avenir est peut-être dans la constitution d’équipes de prêtres nombreuses desservant un vaste territoire incluant des zones rurales mais aussi des villes.

 Le principal défi de l’Eglise Anglicane est la foi. « Ce qui maintient l’Eglise d’Angleterre en fonctionnement, conclut Andrew Brown, ce ne sont ni ses leaders, ni ses structures. C’est la foi du clergé en Dieu. Williams, malgré toutes ses erreurs, était aimé partout dans l’Eglise parce qu’il semblait partager et même illustrer cette foi. Le prochain archevêque devra y parvenir s’il veut inspirer ses troupes. Avoir les bons slogans ne suffira pas. »

Au Stade Olympique

Le tour de piste de Taoufik Makhloufi. Photo "transhumances"

J’ai eu la chance d’être l’hôte d’un groupe de clients et de courtiers pour une soirée d’athlétisme dans le Stade Olympique de Stratford, au soir de la onzième journée des Jeux.

 Pour éviter les embouteillages, nous arrivons tôt au parc olympique et avons le loisir de nous promener dans ce lieu qui, il y a quelques années, n’était qu’une zone industrielle en déshérence. Nous sommes frappés par l’immensité du lieu et de la foule qui déambule. Les installations sportives sont installées de chaque côté d’une petite rivière dont les rives sont plantées de fleurs : il s’agit du stade lui-même, mais aussi de la sculpture « Orbital » d’Anish Kapoor et Cecil Balmond, du vélodrome, du stade nautique et d’autres installations moins spectaculaires.

 C’est de nouveau l’immensité qui frappe en pénétrant dans le stade, puis l’extraordinaire sophistication de la machine à produire du spectacle sportif. Tout est réglé à la seconde près, le déroulement des épreuves – course, saut en longueur et en hauteur, lancer de disque – ainsi que les cérémonies de remise des médailles remportées la veille. Il y a des centaines de caméras, portées par des hommes, montées sur des robots reposant sur des rails ou suspendus à des câbles, accrochées aux montants de la barre du saut. Il n’y a pas une minute d’hésitation, pas l’ombre d’une confusion. Le son et les images sont parfaits. Des centaines de millions d’humains, un milliard peut-être, regardent en direct.

 Ce qui restera pour moi le moment le plus fort, et non capturé par les caméras, c’est la joie du vainqueur de l’épreuve du lancer du disque, l’Allemand Robert Harting. Le voici qui entame son tour de piste saluant la foule. Il avise les haies préparées pour le 100m féminin. Il s’offre alors un saut de haies triomphal sous les rires et les vivats de la foule ravie.

 C’est aussi le vrombissement de la foule lorsque les concurrents du 1.500m passent sous les tribunes. C’est ma joie de voir l’Algérien Taoufik Makloufi triompher.

 C’est l’explosion d’enthousiasme lorsqu’un concurrent britannique est présenté ou accomplit un exploit.

 C’est la beauté du corps d’athlètes féminines au saut en longueur et au sprint.

 Ce sont les chaussures vertes phosphorescentes de nombreux athlètes : un pied de nez de Nike au sponsor officiel, Adidas.

 C’est l’extraordinaire technique du saut en hauteur, les athlètes se lançant en arrière, passant d’abord la tête et le tronc, puis se cambrant soudain pour que passent les fesses et les jambes. On me dit que le centre de gravité de leur corps est situé à tout moment sous le niveau de la barre. J’ai du mal à le croire, mais les 2,38m réalisés par le Russe Ivan Ukhov sont si extraordinaires que je me laisse convaincre.

 C’est la gentillesse et la bonne humeur du personnel et des volontaires des Jeux Olympiques. C’est ce jeune homme juché sur une d’arbitre de tennis au bord de l’immense allée piétonne qui conduit aux transports en commun qui, protégé de la pluie par un poncho et muni d’un mégaphone, souhaite aux spectateurs ravis une bonne nuit.

Dans le Parc Olympique. Photo "transhumances".

La sculpture Orbital au sortir de la soirée d'athlétisme. Photo "transhumances"