Chagall entre guerre et paix

Le musée du Luxembourg présente jusqu’au 21 juillet 2013 une exposition intitulée « Chagall entre guerre et paix ».

 Moishe Zakharovitch Chagalov, né en 1887 dans le quartier juif de Vitebsk en Russie et mort à l’âge de 98 ans à Saint-Paul de Vence sous le nom de Marc Chagall qu’il s’était choisi,  a traversé deux guerres mondiales. Il a connu les pogroms en  Russie impériale. Il s’est exilé en France quelques années après la révolution russe. Il a fui la France vichyste en 1941 après la promulgation des lois raciales. L’exposition qui lui est consacrée au musée du Luxembourg montre à quel point la souffrance a imprégné l’œuvre du peintre tout au long de sa vie. Continuer la lecture de « Chagall entre guerre et paix »

Autumn

Dans « Autumn » (Collection Folio, 1990), Philippe Delerm évoque le groupe des préraphaélites dans la période qui va de décembre 1850 à octobre 1869.

Au centre du livre se trouve Dante Gabriel Rossetti. Lorsque commence le récit, il a 22 ans. Deux ans auparavant, il a créé avec William Holman Hunt et John Everett Millais, sous le mystérieux sigle « PRB », the Preraphaelite Brotherhood, la fraternité préraphaélite.

Dante Rossetti est un homme de l’automne. Il aime passionnément la couleur rousse, celle des feuilles qui tombent, celle de la chevelure des femmes qu’il aime : Elizabeth (Lizzie) Siddal, qui sera pour elle la Béatrice de Dante, Fanny Costforth, la belle et voluptueuse prostituée, Jane Burden Morris, un modèle de beauté sauvage. Il aime aussi le côté crépusculaire de l’automne. Rossetti déteste le bonheur : il pense que l’art ne peut aller de pair qu’avec la proximité de la mort. Il mène une vie de débauche qui met sa santé en péril. Lizzie devient sa femme alors qu’elle a déjà contracté la tuberculose qui l’emportera.

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Exposition Félix Ziem au Petit Palais

Félix Ziem, envol de flamands roses

L’exposition Félix Ziem, au Petit Palais à Paris mérite d’être visitée.

 J’ai une affection particulière pour le Petit Palais, bâtiment construit par Charles Girault pour l’exposition universelle de 1900 et qui abrite le musée d’art de la ville de Paris. Le dôme d’entrée est illuminé par des verrières art nouveau, et c’est à l’art nouveau qu’est consacrée la galerie à gauche du dôme, baignée de lumière. Les collections, consacrées à la peinture, à la sculpture et aux arts décoratifs jusqu’au dix-neuvième siècle, sont éclectiques  et présentées avec soin. On y compte de nombreux chefs d’œuvre, de Rembrandt à Courbet et Cézanne. Il fait bon flâner parmi tant de beauté.

 Le Petit Palais consacre une belle exposition au peintre Félix Ziem (1821 – 1911), qui lui avait légué 170 toiles au soir de sa vie, en 1905. C’est une vraie découverte. Ce peintre, aujourd’hui méconnu, connut un grand succès artistique et commercial pendant sa vie, bien que, solitaire et excentrique, il ne se tînt à l’écart des mondanités. Il vécut et travailla à Martigues, dont il aima la lumière, et à Paris. Il s’inspira pour son œuvre de ses voyages en Italie et en Orient. En peignant Venise ou Constantinople, il ne cherchait pas à reproduire fidèlement un paysage urbain, mais à faire rêver.

 La présentation de ses œuvres au Petit Palais sous le titre « j’ai rêvé le beau » enchante en effet le visiteur.

Félix Ziem, Venise

Edward Burne Jones, le dernier préraphaélite

Après avoir écrit une impressionnante biographie de William Morris, dont « transhumances » a donné une note de lecture, Fiona MacCarthy s’attaque à l’un des peintres majeurs de l’époque victorienne, Edward Burne Jones (1833 – 1898). Sa biographie de 629 pages, publiée en 2011, a pour titre : « le dernier préraphaélite, Edward Burne Jones et l’imagination victorienne »

 Edward Burne Jones a été un artiste exceptionnellement prolifique. Il a exercé son talent en peinture et, dans le cadre de l’entreprise d’arts décoratifs de William Morris, en tapisserie, lithographie et vitrail. Beaucoup de ses œuvres ne nous parlent guère aujourd’hui : celles inspirées des légendes de chevalerie et du Roi Arthur eurent leur moment d’engouement patriotique pendant la première guerre mondiale ; les jeunes filles épanouies dans leurs longues robes ont parlé à la culture hippie des années soixante. Mais d’autres œuvres, en particulier ses portraits, dénotent un sens de la psychologie exceptionnel.

 Burne Jones était un émotif. A plusieurs reprises, le stress du travail ou des contrariétés personnelles le plongèrent dans une profonde dépression. Ses portraits sont personnels, emprunts d’une forte sentimentalité.

 Son destin a été parallèle à celui de William Morris (1834 – 1896). Ils ont eu une collaboration artistique tout au long de leur vie, associés dans leur jeunesse à la fraternité des préraphaélites. Morris était celui qui donnait aux objets pensés par Burne Jones une réalité physique et commerciale. Mais personnellement ils étaient différents : Morris, né dans une famille d’agent de change, vira progressivement au socialisme ; Burne Jones, de condition modeste, accepta les honneurs, en particulier le titre de baron, et se désintéressa de la politique. L’un et l’autre voulaient produire de la beauté, et pensaient que ce faisant ils affrontaient un problème de société : la misère écœurante des prolétaires, le cancer de la pollution, l’oubli des racines spirituelles de l’Angleterre. Mais Burne Jones considérait que l’artiste devait consacrer toute son énergie à son art, alors que Morris était, avant l’heure, un « intellectuel engagé ». Curieusement, Georgina, l’épouse de Burne Jones, grandie dans une stricte obédience méthodiste, prit le relais de l’engagement politique de Morris après sa mort.

 Fiona MacCarthy suit pas à pas le parcours de Burne Jones, son adulation pour son maître John Ruskin, la crise de son couple lorsqu’il eut une relation passionnée avec la jeune Grecque, Maria Zambaco. Elle nous montre ses domiciles de Londres, la Grange à Fulham, et celui de Rottingdean près de Brighton, devenir progressivement un lieu de rassemblement de tout ce que l’Angleterre et le Continent comptaient d’artistes visuels. Elle nous montre aussi la vie familiale de Burne Jones, dont Rudyard Kipling était le neveu.

 L’auteur nous montre un homme humain, dans la fécondité artistique comme dans ses faiblesses, et aussi comme un homme drôle. Toute sa vie, Burne Jones a dessiné des histoires pour les enfants et des caricatures pour ses amis. Leur reproduction dans le livre est particulièrement émouvante.

Portrait de Georgina Burne Jones