Exposition La Belle & La Bête à Bordeaux

 

Affiche de l’exposition « La Belle & La Bête ». Valérie Belin, Cleome Spinosa (Spider Flower), 2010

 

L’Institut Culturel Bernard Magrez de Bordeaux présente jusqu’au 29 janvier une exposition intitulée « La Belle & La Bête, Regards croisés sur la Beauté ».

 Le thème de l’exposition est dérivé d’un tableau de Bernard Buffet, les Oiseaux, le Rapace, de 1959. Le peintre se représente sous les traits d’un oiseau prédateur se nourrissant de la chair de son modèle. Le lien des autres œuvres présentées avec ce fil directeur est ténu, et il vaut mieux ne pas chercher de cohérence dans ce parcours.

 L’Institut Culturel dont le magnat de la viticulture Bernard Magnez est le mécène, occupe un splendide hôtel particulier proche de la Barrière du Médoc à Bordeaux : le château de Labottière. Il offre, nous dit le catalogue de l’exposition, « un espace de poésie visuelle et d’émotions ». Et c’est bien cela que l’on éprouve en flânant d’une pièce à l’autre des deux étages du château.

Bernard Buffet, les Oiseaux, le Rapace, 1959

 Les techniques employées par les artistes vont de la sculpture à la peinture, à la photographie, aux installations mobiles et à la vidéo. Quelques-uns ont marqué le 20ième siècle comme Bernard Buffet, René Magritte ou André Masson dont on admire un splendide tableau de 1942, « Nue aux papillons ». La plupart des œuvres toutefois datent de ces dernières années et sont l’œuvre de créateurs et créatrices opérant dans une grande variété de pays.

André Masson, Nue aux papillons, 1942

 Puisqu’il faut choisir parmi les œuvres présentées dans l’exposition ou la collection permanente, j’en retiendrai trois.

 « Better Places »  est une installation réalisée par Pae White, née en 1963 à Pasadena en Californie. Il s’agit de dizaines de petits miroirs colorés en suspension. Selon l’angle de vue, et selon aussi que des souffles d’air agitent les miroirs, c’est une multitude de visions qui s’offrent au spectateur. Le catalogue parle de surréalisme, de capacité hallucinatoire, d’appel à la rêverie et à l’imagination. L’œuvre est en effet très forte.

 J’ai aimé « Révolte » de Laurent Valera, artiste de Pessac né en 1972. Il s’agit d’une œuvre « composée d’aluminium et de miroirs, qui propose un jeu d’ombres et de lumières laissant apparaître les mots « Révolte » et « Espoirs ». L’artiste, nous dit le catalogue, se sert de la lumière afin de jouer avec notre perception. C’est en éclairant cette structure que la magie opère, deux termes opposés et pourtant indissociables, apparaissent grâce à la lumière.

 Enfin, j’ai été séduit par une photographie de l’artiste anglaise Sam Taylor Wood, née à Croydon en 1967 : « Self Portrait suspended », de 2004. L’artiste semble en lévitation dans son atelier. Pour créer cette scène impossible, « Sam Taylor-Wood s’est suspendue à des bandages qu’elle a ensuite fait disparaître à l’aide de logiciels photographiques. En flottant ainsi dans les airs, sans l’aide de quelques supports visibles, l’artiste tente de figer et de transmettre au public un moment de liberté et d’abandon total ».

 L’art contemporain est parfois ressenti comme rébarbatif, parce qu’il emprunte des chemins nouveaux. La flânerie dans les belles salles du Château Labottière nous le rend accessible, dans sa diversité et dans sa recherche du beau.

Sam Taylor Wood, Sel Portrait suspended I, 2004

Renoir

Christa Théret et Michel Bouquet dans « Renoir »

Le film « Renoir » de Gilles Bourdos dépeint un Auguste Renoir au crépuscule de sa vie, s’acharnant à préserver une oasis de beauté et de création artistique alors que le malheur fait rage.

 En 1915, Auguste Renoir (Michel Bouquet) est âgé, souffre de polyarthrite et ne peut marcher. Dans son domaine des Collettes, à Cagnes sur Mer, il est le patron, régnant sur un groupe de femmes à son service. Malgré la souffrance et la maladie, il continue à travailler d’arrache pied, se faisant transporter à son atelier ou en pleine nature pour peindre ce qui le fascine, le corps des femmes dans la lumière.

 Il a besoin d’un modèle. Une toute jeune femme arrive au domaine, venue de nulle part, Andrée (Christa Théret). Elle est vive, ambitieuse, rebelle. Surtout, elle a un corps charnel comme Renoir les aime et une peau veloutée qui capte magnifiquement la lumière. Andrée devient la muse de l’artiste et lui permet de revenir au sommet de son art.

 Pourtant, le malheur frappe. Pierre et Jean, les deux fils aînés d’Auguste, sont blessés au front. Son épouse, bien plus jeune que lui pourtant, vient de décéder. Claude (Thomas Doret), le fils cadet resté au domaine, est en révolte permanente contre un père qui ne sait pas lui prodiguer de l’amour. Jean (Vincent Rottiers) vient aux Collettes en convalescence. Il ne tarde pas à tomber amoureux d’Andrée.

 Dans le domaine, tout semble se dérouler au ralenti, les séances de pose interminables, le souffle du mistral sur les herbes, le pique-nique au bord du ruisseau. Pourtant, les tensions s’exaspèrent lorsque Jean décide de retourner au front. Andrée se sent trahie, Auguste est menacé de perdre le modèle qui lui a rendu confiance en son art. L’oasis de beauté qu’il a réussi à préserver dans un monde enlaidi par la guerre est menacée de submersion.

 Il semble ne rien se passer, mais tout se passe derrière les apparences. Jean, le fils incertain sur son avenir, promet à Andrée que la guerre finie il fera des films dont elle sera la vedette. Auguste, le patron au cœur sec, le paralysé du corps et du cœur, parvient à se dresser sur ses pieds et à étreindre son fils à l’heure des adieux.

Les Univers de Georges Lacombe

Panneaux de lit, Conception et Mort, par Georges Lacombe

Deux musées des Yvelines, le musée départemental Maurice Denis à Saint Germain en Laye et le musée Lambinet de Versailles, consacrent jusqu’au 17 février une rétrospective au sculpteur et peintre Georges Lacombe (1868 – 1916).

 Le musée départemental Maurice Denis à Saint Germain en Laye vaut, pour lui-même, une visite. Le bâtiment fut construit à la fin du dix-septième siècle à la demande de Mme de Montespan comme hôpital pour les nécessiteux. L’artiste Maurice Denis (1870 – 1943) acquit « le Prieuré » en 1914 pour en faire la demeure de sa famille et y installer son atelier. Il est maintenant propriété du Département des Yvelines. Le jardin qui l’entoure est remarquable, construit en terrasse et agrémenté de statues de Bourdelle.

 Maurice Denis entreprit des travaux de restauration, et s’attacha en particulier à la chapelle, qui fut rouverte au culte en 1928. On y remarque des vitraux et des fresques – en particulier une série de scènes des Béatitudes – qui témoignent du souci de l’artiste de contribuer à la renaissance de l’art sacré. On n’est pas loin de l’esthétique d’un Burnes-Jones au Royaume-Uni.

 Comme Maurice Denis, Georges Lacombe rejoignit le cercle des jeunes artistes fondés par Paul Sérusier, les « Nabis » (« prophètes » en hébreu) vers la fin des années 1880. Sous l’influence de Paul Gauguin, Les Nabis entendaient exprimer par les arts visuels un mouvement spirituel. Il faut, disait Maurice Denis, « se rappeler qu’un tableau – avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. ».

 Certaines œuvres de Georges Lacombe sont religieuses : l’exposition présente ainsi une magnifique statue en bois sculpté du Christ en Croix, rayonnant de la sérénité d’un Pharaon de l’ancienne Egypte, sans aucune trace de souffrance. D’autres se ressentent de la proximité avec Gauguin : c’est le cas de peintures de scènes paysannes en Bretagne ou deux magnifiques panneaux de lit en bois dont les bas-reliefs mettent en scène la conception et la mort. D’autres enfin sont inspirées par les peintures japonaises, en particulier les vagues d’Hokusai.

 Georges Lacombe est un artiste multiforme, peintre de paysages et de portraits, dessinateur et coloriste, sculpteur. Son talent est méconnu. Les expositions qui lui sont consacrées rendent justice aux univers qu’il a su créer.

Autoportrait de Maurice Denis au Prieuré

Lascaux, Exposition Internationale à Bordeaux

« Lascaux, Exposition Internationale » va se conclure à Bordeaux le 6 janvier avant de prendre le chemin de Chicago et Montréal.

 L’exposition a pour site Cap Sciences, à proximité immédiate du nouveau Pont Chaban-Delmas, à Bordeaux. Elle nous invite à « découvrir, ressentir et comprendre un site majeur de l’art paléolithique ». Elle est adaptée aux groupes scolaires, avec des parcours proposés selon les âges et des ateliers spécifiques.

 Le centre de l’exposition est occupé par la reconstitution d’une partie de la grotte de Lascaux. La structure, fabriquée en plastique armé par des couches de grillage métallique, reproduit fidèlement les concavités et les convexités des parois et du plafond d’origine. Les peintures sont reproduites fidèlement à l’échelle d’origine.

 L’exposition constitue en elle-même un hommage à la 3D. C’est elle qui a permis de concevoir ce « Lascaux 3 » transportable d’une ville à l’autre comme elle avait rendu possible « Lascaux 2 », le site qui se visite en Dordogne maintenant que la grotte d’origine a été fermée au public pour cause de sauvegarde. Au second étage est présentée une maquette de l’enfilade de tunnels et de cavités qui, ensemble, constituent « Lascaux ». Comme l’échelle est réduite, on croirait observer un réseau d’artères, de veines et d’’organes vivants. Au premier étage, on est invité à regarder un film de 8 minutes – en 3D naturellement – qui nous fait voyager à l’intérieur de la grotte, assister à la pose des peintures de Lascaux 2 et imaginer la vie à Lascaux il y a 20.000 ans.

 Intégrée dans le parcours de l’exposition est présentée une animation visuelle. Elle explique une peinture qui représente un auroch et des chevaux dont l’anatomie est proche de celle d’animaux qui vivent aujourd’hui en Mongolie. On est frappé par la très grande beauté de la création artistique, par la virtuosité du trait, par la capacité à représenter le mouvement. Un cheval cabré a ainsi quatre sabots arrière : à la lumière vacillante d’une lampe à l’huile, l’animal devait véritablement donner l’impression de bondir.

 J’ai découvert dans l’exposition la quantité de signes abstraits utilisés par les artistes. On ne connait pas leur signification. Il s’agissait peut-être d’idéogrammes, tels ceux que bien plus tard les Chinois inventèrent. Un préhistorien a pu écrire que l’homme de Cro-Magnon, celui qui a occupé Lascaux et y a laissé des merveilles de l’esprit humain, n’était pas passé loin d’inventer l’écriture.