Photos volées

 

Emma Watson

Dans The Guardian du 22 septembre, Kira Cochrane écrit : « la bagarre sur les images seins nus de la Duchesse de Cambridge continue. Mais Kate n’est pas seule. Partout des jeunes femmes, célèbres ou non, deviennent de plus en plus victimes de notre culture paparazzi »

Emma Watson, Hermione dans Harry Potter, raconte que le jour de ses 18 ans elle se rendit compte qu’elle était devenue gibier de foire… un photographe se coucha sur le sol pour prendre un instantané de son chemisier vers le haut. La nuit pendant laquelle il était devenu légal de le faire, ils le firent. « Je me réveillai le lendemain et me sentis complètement violée. »

Kira Cochrane évoque de multiples situations dans lesquelles des images sont volées à des jeunes femmes. Le harcèlement de célébrités par des paparazzi est un phénomène connu. Il a été largement exposé à la commission Leveson, qui enquête sur les écoutes téléphoniques par News of the World. La journaliste parle de sites internet dans lesquels sont postées des photos de femmes anonymes attendant des trains, faisant leurs courses, sur des escalators, avec naturellement des gros plans sur leur poitrine ou leurs fesses. Elle évoque aussi le cas de photos intimes postées par des petits amis délaissés et animés d’un esprit de vengeance. La propagation de ces photos, accompagnées d’une identification de la victime, peut devenir virale. Des années après leur diffusion, elles peuvent rendre difficile la recherche d’un emploi ou compromettre l’issue d’un procès pour la garde des enfants à la suite d’un divorce.

Ces situations différentes ont un point commun. Les photos n’ont pas été tirées, ou du moins diffusées, avec le consentement des femmes. Elles ont été volées, et les femmes se sont senties violées.

Une précision : la photo d’Emma Watson publiée par « transhumances » est tirée de son site officiel www.emmawatson.com !

 

La Fiesta del Chivo

La Fiesta del Chivo – la fête au bouc – est l’un des meilleurs romans de Mario Vargas Llosa (Punto de lectura, 2000). Il constitue une passionnante plongée dans un moment critique de l’histoire de Saint Domingue, l’assassinat du dictateur Rafael Trujillo le 30 mai 1961. Il opère aussi la dissection chirurgicale sans anesthésie des ressorts du pouvoir à un moment de crise, mais ce faisant, il sublime l’ici et maintenant pour atteindre à l’universalité.

 La Fiesta del Chivo nous fait entrer dans l’intimité du dictateur Rafael Trujillo. Il régna sans partage de 1930 – contemporain donc d’Hitler et Mussolini – jusque 1961 – contemporain de Franco – sur trois millions de dominicains. On le nommait le Bienfaiteur. La ville de Saint Domingue avait été rebaptisée de son nom : Ciudad Trujillo. Sa famille s’était appropriée une part considérable des la richesse nationale. La sécurité militaire inspirait la terreur : un dominicain sur cent disparaîtra ou perdra la vie pendant les trois décennies de la dictature.

 Trujillo choisit ses collaborateurs et les met à l’épreuve. A l’un d’entre eux, il demande de lui vendre l’exploitation agricole qu’il possède à un prix dérisoire ; à un autre, de rompre avec sa fiancée et d’assassiner son frère, suspecté d’hostilité au régime.

 Le dictateur impose à ses collaborateurs une insécurité permanente, il les humilie, les dresse les uns contre les autres dans une compétition sans merci. Gare à celui qui ne sera pas invité à la promenade quotidienne du Chef sur le front de mer. Il est peut-être en train de tomber en disgrâce. Il est menacé de voir ses biens confisqués, sa famille persécutée, lui-même peut-être condamné à mort.

 Depuis quelques mois, en 1961, les choses commencent à se gâter pour le régime. Les Etats-Unis craignent que les abus commis créent les conditions d’une révolution à la Castriste. L’Eglise, jusque là son plus fidèle soutien, s’alarme de la violation des droits humains. Des sanctions sont adoptées par les états américains ; ils commencent à affaiblir sérieusement l’économie du pays.

 Le dictateur lui-même vieillit. Il a 70 ans. Ses épisodes d’incontinence heurtent sa manie obsessionnelle pour la propreté et l’humilient. Lorsque le Sénateur Cabral lui livre sa fille de 14 ans, Urania, en espérant ainsi revenir en grâce, Trujillo se découvre impuissant face à la jeune fille.

 Un groupe de conjurés ourdissent un complot afin d’en finir avec le dictateur. Il réussit : Trujillo est abattu dans une embuscade sur la route qui conduit de la capitale à sa maison de campagne. Mais il échoue aussi : dans la nuit de l’assassinat, le chef d’Etat Major de l’armée,  l’un des conjurés, fait exactement le contraire de ce qu’il sait devoir faire. Il ne s’impose pas comme l’homme fort de la situation, instille le doute, semble ballotté par les événements. Il le paiera de mois de tortures indicibles, jusqu’à en mourir.

 La nuit du meurtre, un homme montre au contraire sa totale maîtrise de soi : le président de la République, Joaquin Balaguer. Jusque là un personnage insignifiant, occupant une présidence purement décorative, Balaguer sait ce qu’il faut faire : soustraire des griffes militaires un prélat menacé de mort, donner des gages au consul des Etats-Unis, se poser comme le dépositaire légitime du pouvoir. Dans les mois qui suivront la mort de Trujillo, il écartera un à un les membres du clan, se réconciliera avec l’Eglise et les Etats-Unis et engagera une transition à la démocratie. Il obtiendra sept mandats de président de la République dominicaine et gouvernera pendant 24 ans au total jusqu’en 1996.

 Après avoir été violée par Trujillo, Urania se réfugie auprès des religieuses qui gèrent son collège. Elles réussissent à la faire partir pour les Etats-Unis. Pour oublier le traumatisme, Urania se concentre sur ses études, intègre Harvard, devient fonctionnaire de la Banque Mondiale. Mis elle est restée une infirme du cœur, incapable d’aimer un homme et résolue à faire payer à son père au prix fort sa trahison.

 La Fiesta del Chivo est une livre dur, parfois jusqu’à l’insoutenable dans sa description de l’abjection et de la souffrance humaines. C’est aussi le récit poignant d’une libération due au courage insensé d’hommes prêts à sacrifier leur vie pour suivre un chemin que nul n’aurait pu prévoir.

Assange ou démon ?

Julain Assange au balcon de l'ambassade d'Equateur à Londres. Photo The Guardian

La spectaculaire apparition de Julian Assange au balcon de l’ambassade d’Equateur à Londres, où il est réfugié, a suscité l’enthousiasme de ses partisans.

 Parmi ses supporteurs, il faut mentionner Adolfo Pérez Escrivel qui, depuis son Prix Nobel de la Paix en 1980, se pense investi d’un magistère moral planétaire. Citons la première partie de son texte :

 « Depuis l’Argentine, nous suivons avec beaucoup de préoccupation les récents évènements internationaux au sujet de la décision souveraine de la République d’Equateur d’accorder l’asile diplomatique à Julian Assange dans le cadre du Droit International.

 Le Gouvernement de la République d’Equateur a exprimé les raisons qui l’ont amené à prendre cette décision ; parmi ces raisons, la préoccupation pour la vie même de Julian Assange qui est poursuivi politiquement pour avoir diffusé une information très grave qui a mis en évidence les actions criminelles des Etats-Unis dans les Guerre d’Afghanistan et d’Irak et les actions déjà connues d’intromission à travers ses ambassades dans les affaires intérieures des autres pays. La crainte pour la vie d’Assange est justifiée car déjà aux Etats-Unis on parle d’une éventuelle mise en jugement grâce à la Loi sur l’Espionnage qui inclut la peine de mort. »

 D’autres zélateurs tentent d’expliquer pourquoi Assange est fondé à se soustraire à la justice suédoise qui a demandé son extradition à la suite de la plainte de deux femmes pour viol. Ainsi, le député britannique George Galloway nie que les faits reprochés à Assange, même s’ils étaient avérés, puissent être qualifiés de viol : « certains croient que quand vous allez au lit avec quelqu’un, retirez vos vêtements, que vous faites l’amour avec elle et que vous vous endormez, vous êtes dans un jeu sexuel avec elle. Cela peut-être une mauvaise manière de ne pas lui avoir tapé sur l’épaule et lui avoir dit « est-ce que ça te dérange si je recommence ? » Cela peut relever d’un code de conduite sexuelle sordide, mais de quelque manière qu’on le qualifie, ce n’est pas un viol, sauf à priver le mot viol de sens. »

 La position de Galloway, qui dénie toute compétence à la justice suédoise, a le mérite de remettre au centre de l’affaire le viol présumé, et non Wikileaks. Il est bon en effet de rappeler :

 Que Julian Assange n’est pas l’objet d’une procédure judiciaire aux Etats-Unis, et encore moins d’une procédure d’extradition ;

 Que la Suède est un Etat de droit, dans laquelle la justice s’efforce de faire son travail avec impartialité ;

 Que deux femmes estiment avoir subi un préjudice et attendent réparation.

 La stratégie de Julian Assange est de se faire passer pour victime en espérant ainsi ne pas avoir à répondre de l’accusation d’agression. Il prétend ne pas comparaître devant la justice suédoise au nom de l’injustice faite à Wikileaks. Ce positionnement de donneur de leçons morales est pour le moins éthiquement douteux.

La Royal Academy of Dramatic Art

La Royal Academy of Dramatic Art (RADA) a organisé du 27 juin au 7 juillet un festival pour présenter ses activités et ses productions.

 L’Académie Royale d’Art Dramatique a été fondée en 1904. Elle forme l’élite des métiers du théâtre, acteurs (28 par promotion), metteurs en scène ou spécialistes de sons, de lumières, de décors ou de costumes. Son festival donne l’occasion au public de découvrir le travail des élèves.

 Le jeune metteur en scène Matthew Monaghan présente Penetrator, une pièce écrite par Anthony Neilson en 1992 dans les mois suivant la première guerre du Golfe, qu’il a adapté au contexte de la guerre d’Afghanistan. Deux jeunes chômeurs, Max et Alan, partagent un appartement délabré, entre alcool, drogue, revues porno. Deux petits nounours occupent le centre de leur logement et symbolisent leurs fantasmes sexuels, hétéro pour Max, que sa petite amie vient de quitter, homo pour Alan. Leur vie tranquille, parfois minable, parfois drôle, est bouleversée par l’arrivée impromptue d’un ami d’enfance qui vient d’être réformé de l’armée. Tadge a vécu en Afghanistan une expérience effrayante : il se croit poursuivi par une conspiration de « Penetrators » qui veulent l’assassiner. Il croit reconnaître en Alan un membre clandestin de la secte. Dans une scène interminable, il menace de l’égorger pendant que Max tente de le convaincre de lâcher le couteau. C’est alors que Tadge s’effondre et avoue son amour pour Max. Les Penetrators de l’Armée Britannique ne sont-ils que le reflet inversé de la répression que la société fait peser sur les homosexuels ? La mise en scène de Monaghan exprime avec force le couvercle de plomb qui pèse sur les désirs, rend inévitable des explosions de violence, de sang et de sexe et rend les personnes incapables d’aimer vraiment.

 Une autre pièce présentée au RADA festival est « Chelsea Hotel », écrite par Lucy Shaw et mise en scène par Stephen Darcy. Mag, une jeune serveuse de 19 ans emménage dans un nouveau studio. Elle est perdue dans la vie. Un jour, elle rencontre dans la rue une mendiante et la ramène chez elle. Celle-ci est une toxicomane ravagée par le remords de ne pouvoir s’occuper de son jeune enfant. La famille de Mag se met en travers de cette relation. Comme dans « Penetrator »,  le couvercle de plomb de l’homophobie étouffe les protagonistes. Mais à l’inverse de Penetrator, les deux femmes ont vécu une brève mais véritable relation d’amour, et celle-ci est porteuse de rédemption.

 Mon amie Bridget vient d’occuper à RADA une fonction consistant à faire connaître l’Académie et développer son chiffre d’affaires commercial. Les potentialités sont considérables. L’Académie sélectionne les meilleurs, définit avec eux des parcours individuels, exploite leurs caractéristiques psychologiques les plus profondes, les amène à transcender leurs limites. Elle a accumulé un savoir-faire unique qu’elle valorise déjà dans des formations et des parcours de coaching pour le développement personnel, la construction d’équipe, la mise en scène de projets d’entreprise. Cette soirée de festival prouve que les opportunités sont considérables.