Dans The Guardian du 26 juin, John Harris montre comment la génération née entre 1980 et 2000 en Grande-Bretagne a épousé l’idéologie thatchérienne.
Les démographes désignent la génération née entre 1980 et 2000 sous le terme de Génération Y. A Warrington (Cheshire), le journaliste rencontre un homme de 27 ans qui vient de retrouver du travail, un travail temporaire de livreur de sofas. Il lui demande s’il pense que le fait qu’il se trouvait sans emploi était de sa faute. « Ouais, dit-il, je le pense. Je pense que j’aurais dû poser ma candidature à plus de postes. J’aurais dû me pousser le matin, sortir, venir à des endroits comme celui-ci, essayer davantage. Quand on se sent déprimé, on tend à blâmer le monde pour ses erreurs, on pense que le monde vous doit quelque chose. Mais il ne vous doit rien. C’est vous qui êtes redevables au monde : il faut se motiver, sortir et essayer. » Continuer la lecture de « La Génération Y épouse le libéralisme économique »
Le Parlement français vient de voter définitivement la loi autorisant le mariage de personnes de même sexe. Deux autres pays ont adopté la même mesure en avril : l’Uruguay et la Nouvelle Zélande. Une loi semblable est en discussion en Grande Bretagne. Un référendum aura lieu en Irlande.
On ne peut qu’être frappé de la virulence de l’opposition au « mariage pour tous » en France. Les motivations des manifestants contre le projet de loi sont diverses. Certains ne s’opposeraient pas à un « PACS renforcé » mais ne peuvent accepter que lui soit appliqué le label « mariage ». La plupart s’opposent à l’idée qu’un enfant puisse être adopté et éduqué par un couple homosexuel. Beaucoup considèrent que le projet de loi ne devrait pas même être discuté, car il contrevient à la « loi naturelle », invariante dans le temps et dans l’espace, dont ils pensent posséder la connaissance. Ces derniers estiment qu’un gouvernement qui s’écarte de ces normes intangibles perd toute légitimité : pour eux, celle–ci appartient à la rue, leur rue. Continuer la lecture de « Mariage entre personnes du même sexe »
L’inconnue de l’élection parlementaire italienne de ce week-end est le score du M5S de l’humoriste Beppe Grillo.
Le MoVimento 5 Stelle (MouVement 5 Etoiles) pourrait rallier 20% des voix à l’élection du Parlement italien. Le « V » majuscule est à la fois symbole de victoire et la première lettre de « vaffanculo », « va te faire foutre » en français. Le M5S a été créé par l’humoriste Beppe Grillo, avec pour objectif de nettoyer les écuries d’Augias de l’Etat italien qualifié de bureaucratique, surdimensionné, coûteux et inefficace.
Beppe Grillo évoque pour les français Coluche, qui s’était brièvement présenté à l’élection présidentielle pour « sortir les sortants » ; Jean-Luc Mélanchon pour ses qualités de tribun et sa capacité à rassembler en meeting des foules énormes ; et aussi Ségolène Royal pour son appel à la démocratie directe par Internet. Il dédaigne les plateaux de télévision mais occupe les journaux télévisés qui se délectent de ses bons mots et accordent une large place à ses meetings. Sur la Place du Duomo à Milan, le prix Nobel de Littérature Dario Fo a déclaré devant environ 30.000 personnes : « cette manifestation m’en rappelle une semblable en 1945, au lendemain de la guerre ; mais alors nous avons échoué à construire l’Italie que nous voulions. Essayez, n’abandonnez pas, retournez l’Italie ! »
Le programme du M5S est construit autour de sept chapitres, dont l’ordre est indicatif des priorités : Etat et citoyens, énergie, information, économie, transports, santé et instruction. Le fil rouge est la réforme de l’Etat, avec la disparition des provinces, le non cumul des mandats, le plafonnement des rémunérations des élus, la suppression du financement public des partis politiques. Le programme a aussi une forte teinte écologique, avec une insistance étonnante sur l’isolement thermique des bâtiments ; il recommande aussi la promotion de circuits de distribution courts. Les enquêtes montrent que le cœur de l’électorat du M5S réside dans les déçus de Berlusconi, qui trouvent dans le programme une inspiration antiétatique et libérale qu’ils jugent tarie dans le Parti des Libertés ; et dans l’électorat de gauche qui soupçonne le PDS de Bersani de corruption et de collusion avec les banques.
Les sondages accordent au PDS une majorité absolue au Parlement mais non au Sénat, ce qui pose une hypothèque sur la gouvernabilité du pays. Le comportement des futurs élus du M5S, désignés par des primaires sur Internet et dotés d’un programme populiste, idéologique et non chiffré, pourrait se révéler un facteur important de la vie politique italienne dans les mois à venir.
Les deux candidats à la présidence de l’UMP, Jean-François Copé et François Fillon, se réfèrent fréquemment au parti comme à une « famille politique ».
Mardi 20 novembre, François Fillon prenait acte de sa défaite à l’élection du président de l’UMP, regrettait des irrégularités et ajoutait : « naturellement, je reste au sein de ma famille politique ». Dans l’interminable feuilleton qui l’oppose à Jean-François Copé, le mot « famille » revient dans toutes les bouches, comme une incantation. On évoque les querelles de famille autour d’un héritage, on s’inquiète des haines fraternelles, on redoute que la famille se divise irréductiblement. Mais il semble que le mot « famille » soit le plus apte à désigner la droite.
J’avais été frappé par l’utilisation de ce vocable pendant la campagne présidentielle : je recevais fréquemment des courriels s’adressant à moi comme un membre de « notre famille », probablement parce qu’il semblait invraisemblable qu’un expatrié votât pour un autre candidat que le président sortant.
Mais pourquoi donc la droite serait-elle une « famille » ? Ne peut-elle se structurer qu’autour d’un rôle de « père », un rôle de « mère » et des rôles de « frères » et « sœurs » ? Si tel est le cas, le conflit en cours pour s’arroger la figure paternelle ne peut être que profondément anxiogène pour les fils et filles symboliques de Nicolas Sarkozy