Nous, Peuple d’Islande

Les électeurs islandais se sont prononcés le 20 octobre par référendum en faveur du projet constitutionnel élaboré par 25 citoyens ordinaires de la société civile.

 Six questions étaient soumises à référendum, toutes relatives à la nouvelle Constitution. Il s’agissait de décider si le travail du comité constitutionnel servirait de base au nouveau texte fondamental et quelle position prendre sur des sujets controversés, comme la propriété sociale des ressources naturelles qui ne seraient pas déjà privées, le référendum d’initiative populaire ou la mention dans le texte de l’institution d’une église nationale.

 Les deux tiers des votants ont approuvé le projet de texte constitutionnel. La participation a été faible : seulement 49% des 233.000 électeurs. L’enjeu parait ridiculement petit en comparaison de l’élection américaine de novembre. Il est toutefois significatif en raison de l’exemplarité que revêt la démocratie islandaise pour les mouvements de contestation, des indignés espagnols aux occupants de Wall Street. Les sanctions pénales infligées aux banquiers coupables de la faillite nationale de 2008, le refus des électeurs l’an dernier de sanctionner par référendum un accord de remboursement de la dette de 3,1 milliards de livres à la Grande Bretagne et le processus d’élaboration de la Constitution lui-même sont apparus comme des modèles. Rappelons qu’un comité de 25 citoyens ordinaires avait été constitué, et que celui-ci avait systématiquement soumis ses propositions à discussion par Internet, recherchant l’enrichissement de ses travaux par l’apport du plus grand nombre (« crowdsourcing »)

 Le faible taux de participation, comme le relatif désintérêt constaté pendant la consultation par Internet, sont décevants. Il reste que les électeurs islandais ont approuvé le résultat de ce processus innovant. Et le préambule de la nouvelle Constitution capture bien l’esprit du temps :

 « Nous, Peuple d’Islande, souhaitons une société juste offrant les mêmes opportunités à tous. Nos origines différentes sont une richesse commune, et ensemble nous sommes responsables de l’héritage des générations : la terre, l’histoire, la nature, la langue et la culture. »

Le non-nombril du monde

Election à Athènes le 17 juin 2012. Photo 20minutes.fr

Le peuple français tend à se prendre pour le nombril du monde. La lecture de la presse britannique nous invite à la modestie.

 Le 17 juin, le grand événement pour les Français, pour s’en réjouir ou s’en effrayer, a été la majorité absolue gagnée par la Parti Socialiste aux élections législatives. Mais il faut fouiller profond dans la presse britannique pour en trouver l’écho.

 Dans The Guardian du 18 juin, la victoire socialiste en France est évoquée dans un paragraphe de la page une, presque entièrement consacrée à l’élection législative… en Grèce. Il faut aller page 17 pour trouver un article, factuel et bien documenté, intitulé : les socialistes de France obtiennent les mains libres pour s’attaquer aux problèmes économiques.

 Dans le journal gratuit du soir, Evening Standard, c’est pire : l’unique mention de notre élection est en page 23 et est centrée sur la promesse des enfants de François Hollande et Ségolène Royale de ne plus jamais adresser la parole à Valérie Trierweiler, coupable à leurs yeux d’avoir précipité l’humiliante défaite de leur mère à La Rochelle.

 Ni The Guardian, ni l’Evening Standard, ne mentionnent l’élection de la députée des Français au Royaume Uni et dans le reste de l’Europe du Nord, la troisième circonscription des Français à l’étranger : Axelle Lemaire (Parti Socialiste) a été élue avec 54.76% des votants dans un scrutin marqué par une abstention massive (près de 80%) malgré l’innovation du vote par Internet.

 Pour les médias britanniques, tout était joué en France avec l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Qu’il ait obtenu le 17 juin les moyens de sa politique n’a pas d’importance. La France n’est pas le nombril du monde, après tout !