Talking to the trees

« Talking to the trees », documentaire de Suhaib Gasmelbari raconte une magnifique histoire de résistance dans le Soudan d’aujourd’hui avec un héros : le cinéma.

Ibrahim Shaddad, Suliman Ibrahim, Eltayeb Mahdi et Manar Al-Hilo ont été réalisateurs de films dans les années soixante-dix et quatre-vingts, jusqu’à ce que la dictature d’El-Bechir ferme les cinémas. Depuis 1989, ces hommes formés au Caire ou à Moscou, aujourd’hui septuagénaires ne peuvent exercer leur métier.

La caméra de Suhaib Gasmelbari les suit dans ce qui est aujourd’hui leur combat : faire revivre le cinéma dans leur pays, le Soudan. Ils vont de village en village avec leur combi Volkswagen exténué pour présenter des films en plein air, en particulier « les temps modernes » de Chaplin.

En 2015, ils nourrissent un projet plus ambitieux : faire rouvrir un vaste cinéma en plein air de Khartoum, et y jouer le Django de Tarantino. Il faut convaincre le propriétaire des lieux, acquérir le matériel, nettoyer l’écran sali par des années de poussière, s’assurer que le courant ne sera pas coupé, choisir l’heure adéquate compte-tenu des appels à la prière incessants des mosquées environnantes. Il faut surtout obtenir les autorisations nécessaires. On les balade de ministère en service de police, on les assomme de dossiers à remplir : objectifs du projet, description de l’événement, critères de moralité religieuse.

Les quatre hommes, armés d’un humour à toute épreuve, poursuivent leur projet avec obstination. En 2015, le président El-Bechir est réélu avec 94% des voix. Le cinéma ne pourra pas rouvrir. Quatre ans plus tard, le peuple a rempli la rue, l’armée a chassé le dictateur. La résistance de quatre papys passionnés de cinéma a-t-elle quelque chance de fleurir ?

Le film de Gasmelbari raconte une belle histoire. La prise de vues est magnifique. On peut regretter son rythme lent : mais la lenteur est un choix du metteur en scène, qui fait sentir au spectateur l’inertie d’un système social et politique étouffant.

En cette fin d’année où pèsent les inquiétudes, le combat tranquille et souriant d’Ibrahim, Suliman, Eltayeb et Manar fait du bien !

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