“The Grand Budapest Hotel”, film de Wes Anderson, plonge le spectateur dans un univers loufoque et décalé, dans une Europe centrale des années trente inspirée de l’œuvre de Stefan Zweig.
Le Grand Budapest Hotel est une énorme bâtisse rococo dans une station thermale de Zubrowka, un pays imaginaire d’Europe centrale. Il ne reçoit presque plus de client et s’avance dans la décrépitude. C’est dans ce vide rempli du souvenir d’heures glorieuses que le propriétaire de l’hôtel, Zero Mustapha (F. Murray Abraham) reçoit un jeune romancier en peine d’inspiration (Jude Law) et lui raconte son histoire.
Zero (joué jeune par Tony Revolori) a été recruté en 1932 comme groom par Monsieur Gustave (Ralph Fiennes), le tout puissant maître d’hôtel. Celui-ci se dépense sans compter pour la satisfaction des curistes, et en particulier des vieilles dames à qui il prodigue des moments d’intimité. L’une d’elles est la comtesse Céline Villeneuve Desgoffe und Taxis (Tilda Swinton).
La comtesse est assassinée. M. Gustave accompagné de Zero se précipite pour recueillir la part d’héritage qu’il ne doute pas d’avoir méritée. Par précaution, il s’empare au domicile de la comtesse d’un tableau de maître. Bientôt, il a la police aux trousses : la famille de la défunte a porté plainte contre lui pour assassinat. Par précaution, la famille lance aussi à sa chasse un tueur professionnel. Au terme de multiples péripéties, dont une évasion de prison et une mémorable poursuite à ski, M. Gustave hérite de l’hôtel et fait de Zero son légataire.
La scène la plus drôle du film est celle où les maîtres d’hôtel de palaces s’organisent pour faire échapper M. Gustave à ses poursuivants. L’un est en train de goûter un plat, l’autre de pratiquer une réanimation cardiaque : ils abandonnent la scène séance tenante, laissant au petit groom de service le soin de les remplacer !
A vrai dire, on rit peu dans ce film. On est d’abord déstabilisé par un univers théâtral dans lequel domine la couleur rose bonbon, le parfum Air de Panache et les pâtisseries Mendl ont le statut de produits de première nécessité et tout le monde porte l’uniforme. Or, ce sont bien les uniformes, ceux de la terrible police ZZ, qui annoncent la fin d’un monde. M. Gustave est l’archétype de ce monde d’Europe centrale qui disparait : rusé, malin, aigrefin, il a l’élégance et l’humour d’un dandy anglais, il est polyglotte, il récite sans cesse de la poésie, il ne supporte pas que l’on s’en prenne à Zero parce qu’il est basané.
« The Grand Hotel Budapest » offre tout ce qu’on attend du cinéma : de la démesure, de la beauté, du divertissement. Il nous plonge aussi dans l’Europe de l’Est à la veille de l’horreur nazie, avec l’esthétique de Klimmt et les mots de Zweig. C’est magnifique.