Tragédies Romaines

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 Le théâtre du Barbican, à Londres, a présenté le week-end dernier les Tragédies Romaines du Toneelgroep Amsterdam : 6 heures de représentation en langue néerlandaise sous-titrée en anglais devant un public enthousiaste.

Les Tragédies Romaines, présentées en 2008 au Festival d’Avignon par la troupe hollandaise Toneelgroep Amsterdam, sont l’assemblage de trois pièces de William Shakespeare inspirées de l’histoire de Rome, et écrites entre 1599 et 1607 : Coriolan, Jules César, Antoine et Cléopâtre. Le metteur en Scène, Ivo van Hove, est passionné par la dimension politique de l’œuvre de Shakespeare. Coriolan, un guerrier revenant à Rome couvert de gloire n’accepte pas de se compromettre avec le minimum d’hypocrisie qui lui attirerait les faveurs du peuple. Banni, il pactise avec l’ennemi. Arrivé avec leur armée aux portes de Rome, il accepte de négocier avec ses concitoyens une paix honorable et est exécuté par ses nouveaux amis pour cette seconde trahison. Brutus tue César pour protéger Rome contre le risque que le héros se transforme en dictateur. Mais la fin ne justifie pas les moyens : un nouvel homme fort, Marc Antoine, écrase les conjurés. Tombé amoureux de Cléopâtre, Marc Antoine est tiraillé entre une vie personnelle qui n’a rien de privé et la conquête du pouvoir suprême. Octave quant à lui ne connait pas ce déchirement et suit une route qui le conduira à l’empire.

La mise en scène joue sur la transposition de la pièce dans le monde politique d’aujourd’hui. Le décor se présente comme le hall d’un centre de conférence, avec un bar, des divans et de multiples écrans de télévision qui diffusent de l’actualité en continu, des dessins animés ou des exploits sportifs. Des horloges marquent l’heure à Tokyo, Londres et New York. Deux percussionnistes créent une atmosphère sonore lourde d’angoisse ou libèrent le tonnerre des batailles.

Plusieurs tableaux ne sont pas joués devant le public, mais filmés par des caméras fixes ou mobiles et retransmis sur un écran géant. Ceci permet à l’action de quitter le plateau et d’occuper la coulisse ou même, dans un cas, la rampe d’accès au parking du Barbican. Les personnages sont parfois interviewés comme au journal télévisé ou s’affrontent comme dans une émission politique. Ils sont vêtus comme les hommes et femmes politiques d’aujourd’hui, souvent en costume et cravate.

Le public est invité à s’installer sur des divans au milieu des acteurs et à consommer aux bars situés des deux côtés du plateau. Un seul espace lui est interdit : il se situe au fond de la scène, entre deux vitres qui symbolisent la frontière du monde des vivants et des morts. Car tous les personnages principaux, Coriolan, César, Brutus, Marc Antoine et Cléopâtre, connaîtront un destin tragique.

La mise en scène est politiquement correcte : une femme joue le rôle d’Octave ; l’acteur jouant le rôle de Marc Antoine souffrant d’une fracture de la jambe, le décor a été aménagé pour qu’il puisse jouer en fauteuil roulant ou avec des béquilles.  

Le spectacle est entrecoupé toutes les 30 ou 45 minutes d’une brève pause qui permet de se dégourdir les jambes et de changer de place, y compris sur la scène, car les sièges n’ont pas été attribués à la réservation. Il commence à 16h et s’achève vers 22h par l’ovation debout d’un public captivé. Au long de ces 6 heures, il n’y a pas eu un temps mort. Le dynamisme de la mise en scène et l’extraordinaire jeu des acteurs transposent sans une ride l’œuvre de Shakespeare dans le monde de Gaza, du réchauffement climatique et de la crise financière.

(Photo Toneelgroep Amsterdam, www.tga.nl)

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