Tudo é rio

« Tudo é rio » (tout est fleuve), premier roman de Carla Madeira, a été publié une première fois en 2014 par une petite maison d’édition, puis réédité sept ans plus tard, figurant alors parmi les meilleures ventes au Brésil. Il ne semble pas avoir été traduit en français à ce jour.

 Les eaux tumultueuses du désir, de la jalousie, du besoin d’asservir, de l’amour, de la quête de justice charrient les personnes et façonnent leurs destins comme un fleuve jusqu’à déboucher dans la mer.

 Venâncio ne s’est jamais remis de son enfance confrontée à un père violent qui ne lui laissait aucun espace à lui. Lorsqu’il tombe fou amoureux de Dalva, il la veut toute à lui. La jalousie s’empare de lui jusqu’à la violence.

La ville de Belo Horizonte au Brésil

Lucy a perdu ses parents lorsqu’elle avait sept ans. Elle a été confiée à une tante bigote et autoritaire, qui privilégie ses deux filles et la traite comme une domestique. Asservie, elle rêve de dominer. Elle découvre que son corps excite les hommes. « Ses yeux affûtés, pénétrant indécents dans tout ce qu’elle regardait, exhalaient un pouvoir de remuer ciel et terre. » Pour blesser sa tante et gagner son indépendance, elle choisit de devenir prostituée, pute. Elle devient la star du bordel tenu par Madame Manu. Elle séduit les clients et choisit avec qui elle passera quelques minutes ou quelques heures, pour le prix fixé par elle. Son objectif : « pouvoir décider si elle les emmènerait en enfer ou au paradis. Pute-dieu, maîtresse de destins. »

 Dalva a vécu une enfance heureuse dans une famille musicienne, auprès d’une maman qui mérite son prénom : Aurora. Elle illumine les autres de sa joie de vivre, une aurore permanente. Dalva tombe follement amoureuse de Venâncio. Ils vivent exclusivement l’un pour l’autre, et leur isolement de couple grandit lorsque la famille de Dalva déménage au loin. Lorsque naît un enfant, Venâncio ne possède plus sa femme, accaparée par le bébé. Sa violence éclate. Il commet l’irréparable.

 « Dalva arrêta de parler à Venâncio. Elle ne le regarda plus, elle considéra qu’il n’était plus vivant, elle ignora sa présence. » Il commence à fréquenter l’établissement de Madame Manu, mais se refuse à Lucy. Pour elle, sûre qu’aucun homme ne peut lui résister, c’est un affront. Elle est prête à tout pour le faire céder, pour le conquérir.

 Dalva, Venâncio et Lucy constituent désormais un trio indissoluble dans la souffrance, dans la joie et dans la recherche d’un débouché sur la mer.

 Ce qui est remarquable dans le roman de Carla Madeira, c’est qu’il n’y a aucun manichéisme. Venâncio est violent, mais tendre. Lucy agresse Dalva avec une cruauté inouïe, mais finit par reconnaître la valeur de cette femme. Dalva s’enferme dans une boule de haine, mais finit par tourner, doucement, la page de l’agression subie. Il est possible de pardonner, mais d’abord à soi-même pour les fautes qu’on a commises.

 « Tudo é rio » est une ode au plaisir féminin, désir vécu et désir induit, décrit dans un langage précis et empressé mais jamais obscène. Un grand livre.

Carla Madeira

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