Un homme pressé

France 2 a récemment diffusé « un homme pressé », film réalisé par Henri Mimran en 2018 d’après le récit autobiographique écrit dix ans plus tôt par Christian Streiff, président de PSA Peugeot Citroën contraint à la démission après avoir été victime d’un AVC.

 Alain Wapler (Fabrice Lucchini), directeur général d’une grande firme d’automobiles, n’a pas une minute de libre. Il bataille pour que sa société dévoile un modèle de voiture électrique haut de gamme. Il donne des cours de management où il étrille les losers. Il accepte même de présider le jury d’un concours d’éloquence, privant ainsi sa fille de la possibilité d’y participer.

 Alain est victime d’un premier, puis d’un second accident vasculaire cérébral (AVC). Par chance son chauffeur a le réflexe de l’emmener immédiatement aux urgences. Sorti du coma, il est pris en charge par Jeanne (Leila Bekhti), l’orthophoniste de l’hôpital. Il devrait s’en sortir, mais le chemin sera long. Les mots qui sortent de sa bouche sont tordus : le cadran de sa montre devient cardan, son orthophoniste une psychopathe. L’homme pressé devra apprendre la patience.

Alain Wapler n’a pourtant qu’une hâte : renouer avec sa vie « normale ». Il reprend le travail, se rend à Genève pour le lancement du nouveau modèle, et grâce à Jeanne, il se tire au mieux de cet exercice périlleux. Néanmoins, il est licencié sans ménagement.

 Il lui faut apprendre à vivre dans un temps distendu, à flâner à une terrasse de café, à converser avec sa fille Julia (Rébecca Marder), qu’il a négligée depuis des années, à se promener en compagnie de son chien Max. Sur les traces de sa fille, il marchera même sur le chemin de Compostelle, le comble de la lenteur pour cet homme autrefois pressé.

 Certains spectateurs ont reproché à Henri Mimran d’avoir construit une comédie sur ce drame humain qu’est l’AVC, drame que j’ai personnellement vécu dans le destin de mon propre père. Mais je crois qu’on peut rire de tout, à condition de le faire avec finesse et talent. Voir Lucchini s’engager dans les tirades fougueuses avec des mots tordus et dénués de sens est désopilant, et a un parfum de poésie surréaliste.

 On lui a aussi reproché des invraisemblances : Alain ne retrouve pas sa maison dans son quartier, et c’est sa fille qui le retrouve une nuit, perdu dans un square ; quelques jours plus tard, il s’engage sans crainte sur le Camino Francès. Mais les invraisemblances ne font pas mauvais ménage avec la comédie : elles la teintent de conte de fées, et ce n’est pas désagréable.

 Le personnage de Vincent, l’infirmier (Igor Gotesman) est réjouissant ; le voir utiliser le brancard comme un skate-board déclenche l’hilarité.

 Le générique final est drôle : les noms de toutes les fonctions sont distordus, comme ils l’auraient été prononcés par Lucchini après l’AVC. J’ai aimé cette comédie, son happy-end un peu convenu, l’alternance stéréotypée de moments de rire et d’émotion. Un « feel-good movie » de temps en temps, cela ne fait pas de mal.

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