Un livre blanc sur la stratégie pénitentiaire Outre-Manche

Le Ministère de la Justice d’Angleterre et du Pays de Galles a publié en décembre 2021 un Livre blanc sur la stratégie en matière de prisons (« Prisons Stragegy White Paper »), ouvert à la consultation jusqu’en février 2022. Les réponses reçues ont été présentées au Parlement en juin 2022.

L’ambition de ce document est de définir une vision de ce que devrait être la prison à l’horizon de dix ans et le plan d’action pour les deux années à venir.

Le livre blanc définit ainsi les objectifs de la prison. « Nos prisons et notre régime carcéral doivent protéger le public. Cela signifie détenir les prisonniers en toute sécurité pendant qu’ils purgent la peine infligée par les tribunaux et contrarier les activités criminelles menées depuis l’intérieur des murs de la prison. Surtout, ils doivent aussi assurer le bon ordre et la discipline ; s’efforcer d’empêcher que des actes criminels fassent de nouvelles victimes, en s’attaquant aux causes sous-jacentes de la délinquance ; et promouvoir la réhabilitation et la réforme des prisonniers pour réduire la récidive. »

20 000 nouvelles places de prison

Un axe fort est la construction de 20 000 places de prison, le plus ambitieux programme depuis un siècle selon le vice-premier ministre et garde des sceaux Dominic Raab. L’investissement est considérable : £200 000 par nouvelle place créée, auquel il faut ajouter le recrutement de 5 000 postes d’agents de surveillance et la mise à niveau de 35 000 cellules pour la sécurité incendie.

Le livre blanc n’indique pas la taille des nouvelles prisons ni le lieu où elles seront construites. On sait que l’objectif de réinsertion (et donc de réduction de la récidive) est peu compatible avec des établissements gigantesques bâtis loin des villes.

Une autre priorité est la lutte contre les trafics de drogue à l’intérieur des prisons. Le livre blanc indique que 45% des prisonniers auraient besoin d’un traitement contre les addictions. Il prévoit que l’administration pénitentiaire se dote de détecteurs de stupéfiants de nouvelle génération. Un passage intéressant concerne la dette de détenus à l’égard d’autres détenus. « Au cours des deux prochaines années, nous améliorerons notre compréhension de la dette grâce à une étude majeure, afin d’identifier comment la dette est répartie dans le domaine carcéral, de comprendre l’ampleur du problème de la dette au sein du domaine carcéral et d’identifier la violence – contre les prisonniers, les agents pénitentiaires et les amis et la famille dans la communauté – qui est motivée par la dette carcérale. Nous l’utiliserons également pour aider à prévenir l’exploitation d’un marché lucratif de la drogue dans les prisons, ainsi que pour réduire l’assujettissement et l’intimidation liés à la dette dans les murs des prisons. »

Un passeport de réinstallation

Le livre blanc insiste sur l’effort à consentir en vue de la réhabilitation des détenus. Une plus grande autonomie sera donnée aux directeurs de prison pour qu’ils ciblent mieux les interventions auprès de chacun d’entre eux en vue de leur retour à une vie libre : sevrage de substances addictives, stages de formation, travail en détention. Un chapitre intéressant concerne un « passeport de réinstallation » (reinstallment passport), qui fera le point de ce qui est mis en œuvre ou de ce qui est disponible pour que la sortie de prison soit réussie.

Le chemin est long : on sait par exemple qu’en 2018, 45% des détenus libérés n’avaient pas de travail, et que l’année suivante, 12 000 personnes étaient sorties de prison sans logement. « Le passeport d’une personne sera un document personnalisé couvrant la santé mentale, les drogues, l’éducation, les compétences, le travail, l’hébergement et les liens familiaux. Il organisera, planifiera et enregistrera les informations et les services auxquels les détenus, les sortants de prison et les professionnels travaillant avec eux ont besoin d’accéder, depuis leur entrée en prison jusqu’à leur réinstallation dans la communauté après leur libération ».

La logique du passeport serait de ne laisser franchir les frontières de la prison que des personnes équipées d’un logement, d’un travail, d’un parcours de santé et d’un accès certain à leurs droits. Il ne s’agit en réalité que d’un recueil d’informations indispensables pour une sortie réussie.

La prison de Lincoln

Le numérique en prison

Enfin, le livre blanc préconise une entrée massive du numérique en prison, tant pour la gestion des établissements (ce qui devrait libérer du temps des surveillants pour le contact personnel avec les détenus) que pour renforcer les liens familiaux des détenus. Les contributions au livre blanc pendant la période de consultation n’ont pas été révélées, mais la synthèse fournie au Parlement par le ministère de la Justice indique une forte convergence sur ce point.

Le livre blanc sur la stratégie pénitentiaire outre-manche est ancrée dans une idéologie résolument conservatrice où prime la sécurité des « gens bien » sur l’ambition d’offrir à tous, y compris à ceux qui enfreignent la loi, des chances égales de mener une vie digne.

Outre le passeport de réinstallation, on y glane des idées intéressantes, telles le « salon de départ » de la prison de Lincoln, « géré en partenariat avec le Lincolnshire Action Trust (LAT). Les détenus quittant la prison y sont accueillis par un membre de l’équipe LAT qui leur offre de la nourriture (porridge ou pain grillé) et une boisson chaude (thé ou café), la possibilité de changer leurs vêtements selon les conditions météorologiques, de recharger leur téléphone avant leur départ, ainsi qu’une information sur le soutien disponible dans la communauté et la possibilité de constituer un dossier de demande de crédit universel » (l’équivalent du RSA français).

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