Dans « une enfance de rêve », Catherine Millet raconte l’émergence de sa vocation d’écrivaine.
Catherine Millet a vécu une enfance de cauchemar. Son petit frère, sa mère, son père et sa grand-mère vivaient entassés dans un trois-pièces à Bois-Colombes. Ses parents avaient fini par ne plus se supporter et se livraient à des scènes de ménage de plus en plus violentes. Son frère fut un bébé hystérique. Sa mère était atteinte de dépression et se suicida.
Mais Catherine était douée pour le rêve. Du fait du contexte familial, enfant puis adolescente elle se sentit différente de ses camarades. Différente mais pas inférieure. Elle disposait d’une expérience personnelle plus lourde et plus riche. Amoureuse de la lecture, elle s’échappait par l’imagination et se mit à raconter, puis à écrire, des histoires. Elle mena ainsi une « vie dédoublée ».
Devenue adolescente, elle trouva sa voie (et sa voix) littéraire. Il fallait « décrire (…) les états d’intimité misérables où, ramassés comme une limace agressée par un bâton, nous en sommes réduits à n’être qu’une boule de sensations (…) Il fallait montrer ces situations où l’être humain se trouve démuni, à l’extrême de la faiblesse, ou de la souffrance, parce que c’était là la réalité toujours cachée. »
Cette intuition lui vint dans des WC, un jour de règles menstruelles : « par la pensée, je me glissais dans l’intérieur de mes entrailles, que je me suis toujours représentées comme un vaste caveau éclairé dans un clair-obscur rougeoyant, et l’effort pour suivre à la trace la contraction douloureuse me procurait déjà une sensation de soulagement (…) Ainsi, je m’exerçais à descendre en moi, à ne pas laisser inexplorée, extérieure à ma conscience, la moindre plaie intérieure, tout en m’ouvrant à la caresse de l’air ».
Le livre de Catherine Millet constitue un remarquable exercice d’introspection rétrospective, couvrant une quinzaine d’années, des premiers souvenirs d’enfance à l’aube de l’âge adulte. Son témoignage est en partie étayé par des carnets intimes conservés, des ébauches de récits, des copies de dissertations scolaires, des photos de famille. Mais sa justesse tient surtout à la rigueur de l’exercice d’autoanalyse auquel l’auteure s’est astreinte.