Une Espagnole à Berlin

Arte TV a récemment diffusé un remarquable thriller de Sebastian Schipper, « Victoria ».

Victoria (Laia Costa) est, depuis quelques semaines, serveuse dans un bar de Berlin. Espagnole, elle ambitionnait de devenir pianiste professionnelle. Dégoûtée par l’ambiance concurrentielle du métier, elle a tout plaqué.

Au sortir d’une boîte de nuit, elle croise une bande de paumés à qui les vigiles ont refusé l’accès : Sonne (Frederick Lau), le seul qui parle anglais et puisse communiquer avec la jeune femme ; et aussi Boxer, Blinker et Fuß. En tout bien tout honneur, ils l’invitent dans leur squat, sur le toit d’un immeuble. Lorsque Sonne raccompagne Victoria au bar dans lequel elle travaille, et où elle est chargée de faire l’ouverture, à 7 heures, la fascination est réciproque.

Victoria se découvre soudée à la bande, pour le meilleur et pour le pire. Lorsqu’un caïd requiert Boxer et son équipe pour commettre un braquage de banque, elle prend le volant de leur voiture. Lorsque la police les pourchasse, elle fait partie des gangsters recherchés. Elle parvient à s’échapper avec Sonne et prend les commandes de l’évasion avec intelligence et détermination. Lorsqu’il meurt des blessures reçues lors d’un échange de tirs avec la police, elle doit choisir son destin.

« Victoria » est un film remarquable, tourné en un seul plan séquence : caméra sur l’épaule, à la suite des protagonistes, pratiquement sans interruption du cours du temps, peu avant et peu après l’aube. Le spectateur est troublé, pas loin parfois du vertige.

Le spectateur est comme hypnotisé. Le film démarre doucement, avec la drague gentille par un groupe de jeunes passablement éméchés d’une belle étrangère. Il s’accélère brutalement lorsque Boxer est sommé par un parrain de s’acquitter de sa dette en accomplissant un casse dans la demi-heure qui suit. Il atteint son paroxysme avec la fuite désespérée de Sonne et Victoria.

Il faut enfin saluer le jeu formidable de Laia Costa. Au début de cette folle nuit, Victoria ne peut imaginer qu’elle va basculer dans le crime. Mais elle se trouve enchaînée par un cocktail de sentiments : le désir de rompre avec le passé et de s’inventer une nouvelle vie ; la solidarité avec un groupe qui l’a accueillie alors qu’elle vit seule à Berlin ; l’amour naissant avec Sonne. Ce cocktail s’avère diabolique, comme le morceau échevelé qu’elle interprète au piano pour Sonne et qui parle de Faust et de son pacte avec le diable.

Une réflexion sur « Une Espagnole à Berlin »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *