Dans son compte Twitter, le président du Salvador Nayib Bukele diffuse un reportage réalisé par son service de communication sur l’inauguration du Centre de Confinement du Terrorisme, une prison d’une capacité de 40 000 places, « la plus grande de toute l’Amérique ».
Les détenus seront enfermés dans d’immenses bâtiments semblables à des hangars. Les cellules sont grillagées, ce qui permet aux surveillants de pouvoir à tout moment contrôler visuellement ce qui s’y passe, déniant aux détenus toute intimité. Elles mesurent six mètres sur quatre. Chacune héberge 9 détenus, qui couchent sur des lits superposés comportant trois sommiers. Les cellules disciplinaires sont des cachots sans lumière.
La prison est construite sur un terrain de 165 ha, à 75km de la capitale et loin de toute agglomération. Les audiences judiciaires se passent par visioconférence, aucun déplacement n’étant possible vers les tribunaux. Il ne semble pas que des parloirs pour les familles et les avocats aient été prévus. Des ateliers de menuiserie sont là pour que les détenus payent les dégâts qu’ils ont occasionnés ; mais il s’agit probablement d’une illusion de propagande, car le nombre de postes de travail ne dépassera pas quelques dizaines.
Le centre de confinement est entouré d’un mur de 11 m de hauteur et 2 100m de périmètre, avec 19 miradors. Il sera surveillé jour et nuit par 600 militaires et 250 policiers, à l’intérieur et à l’extérieur du périmètre. Certains surveillants sont équipés d’armes d’assaut et d’une tenue de combat. « Je demande la permission de mener un exercice d’assaut », demande leur chef. « Permission accordée », répond le président Bukele.
La visite du président commence d’ailleurs par les mesures de sécurité. À leur arrivée, les détenus sont soumis à un scan corporel et dépouillés de leurs affaires. Ils pénètrent ensuite dans une immense salle où des fonctionnaires assis à des tables enregistrent leur écrou. Il n’y a pas de chaise pour eux : c’est debout qu’ils devront assister aux formalités.
Pour le président, il s’agit de renverser l’ordre des choses instauré par les gouvernements précédents. Selon lui, les détenus jouissaient de play-stations, de téléphones portables, de prostituées et d’ordinateurs, et les surveillants étaient à leur botte. C’est maintenant ces derniers que l’on respecte, à qui on propose cafétérias et salles de sports, avantages que l’on dénie aux détenus. On ne rencontre pendant la visite ni cour de promenade, ni salle de classe, ni lieu de culte, ni parloir. Les détenus seront visiblement maintenus dans leur cellule grillagée 24h/24, 7j/7.
Le président, conformément à son image d’homme du peuple, est en jeans, chemise et pull-over. Le directeur du centre de confinement est au comble de l’obséquiosité : « Monsieur le président, nous suivons à la lettre les justes instructions que vous avez données ».
Nayib Bukele, 41 ans, a été élu président en 2019. Antisystème, il a fait de sa lutte contre la criminalité et le narcotrafic, qualifiés par lui de « terrorisme », son programme politique. Sa visite au Centre de confinement du terrorisme de Tecoluca fait froid dans le dos.
Le pénitencier de Tecoluca est présenté comme exemplaire par sa taille, par la modernité de ses équipements, par la rigueur du châtiment infligé aux criminels, par l’impossibilité de s’en échapper. Il s’agit d’un gigantesque Guantanamo, dans lequel les personnes suspectées de crimes sont parquées oisives dans des cellules grillagées 24h/24, n’ont aucun contact avec l’extérieur, ne rencontrent pas leurs proches ni leurs familles, ne se trouvent jamais en présence de leurs avocats ni de leurs juges.
Partout dans le monde, l’emprisonnement est censé viser trois objectifs, en partie antagoniques les uns avec les autres : châtier en proportion des délits ou des crimes commis ; neutraliser les infracteurs en les écartant temporairement de la société ; travailler à leur réinsertion. La prison de 40 000 places inflige aux condamnés des souffrances intenses et prolongées. Il les neutralise en effet, pour le temps de leur condamnation, mais les procédures expéditives inclinent à la perpétuité. « Ce sera leur nouvelle maison, ils y vivront des décennies, mélangés, sans pouvoir causer plus de dommages à la population », a tweeté le président le 24 février, lorsque les 2 000 premiers détenus ont été transférés au Centre de confinement du terrorisme. La vidéo montrant ce transfert est d’une violence glaciale. Les hommes sont pieds nus, habillés seulement d’un short. Ils doivent courir courbés, mains sur la nuque, devant les gardiens armés.
Quant à la réinsertion, il n’en est pas question : lorsque ces hommes sortent, s’ils sortent un jour, ils seront complètement détruits de l’intérieur ou remplis de frustration et de haine. Le président Bukele s’enorgueillit du caractère unique de sa prison géante. Elle se singularise surtout par son mépris des droits humains.
Glaçant !
À mettre en rapport avec une société ultra-violente où les gangs font régner la terreur. Ce système concentrationnaire (approuvé par la population !) est le produit de la dégénérescence de l’État.
En 1980, déjà, l’archevêque de San Salvador, Mgr Romero, qui s’élevait contre la violence, avait été assassiné par des milices militaires en pleine messe.
Ce président Bukele à obtenu de la Cour constitutionnelle, dont il a changé les juges, de se faire réélire pour un deuxième mandat, ce que la constitution de son pays interdit.
Mais qui s’intéresse vraiment à ce petit pays de 6 M d’h. ?