« Une terre promise », autobiographie de Barak Obama, couvre la période qui va de sa naissance à Hawaï en 1961 jusqu’au raid contre Ben Laden le 2 mai 2011.
Le livre est un « pavé » : 750 pages bien tassées dans l’édition américaine. Il est écrit dans un anglais fluide, avec ce qu’il faut de teasing à la fin de chaque chapitre pour donner envie de continuer. On y trouve un exposé pédagogique des sujets les plus compliqués : la crise des « subprimes » en 2008, le dérèglement climatique ou encore la poudrière du Moyen-Orient.
Barak Obama est atypique. Né à Honolulu d’une mère d’origine anglaise et irlandaise et d’un père kényan, il a passé une partie de son enfance et de son adolescence en Indonésie. Il a commencé sa carrière professionnelle comme travailleur social, organisateur de communautés dans des banlieues pauvres de Chicago.
« Un autre »
Pour une partie des électeurs du Parti Républicain, ce métis est irrémédiablement un « autre », inassimilable, déloyal par nature. Donald Trump (déjà lui !) alimentera une campagne de rumeurs alléguant qu’il n’était pas né aux États-Unis et que son certificat de naissance à Honolulu était un faux.
L’autobiographie de Barak Obama constitue un vibrant plaidoyer pour l’engagement politique. À plusieurs reprises, il explique que son but est d’améliorer la vie quotidienne des citoyens : vivre dans un logement digne, se soigner quand ils sont malades, envoyer leurs enfants dans de bonnes écoles, respirer un air pur. Chaque jour, il lit une sélection de lettres de citoyens ordinaires ; il se rend fréquemment au chevet de soldats blessés, histoire de ne pas perdre de vue la cruauté des guerres qu’il ordonne.
Il bénéficie pendant les deux premières années de son premier mandat d’une majorité à la chambre des représentants et au sénat. Malgré cela, faire passer le stimulus fiscal anti-crise ou la réforme du système de santé (« l’Obamacare ») requérait le vote d’au moins quelques sénateurs républicains. Une pratique non-écrite, dite « flibustier », permet en effet à la minorité au sénat de laisser s’éterniser une délibération et d’y mettre un terme à condition qu’au moins 60% des élus y consentent. Or, la plupart des élus républicains, tétanisés par le rejet par leur base de ce président qu’ils haïssent, ne veulent pas prendre le risque de s’afficher à ses côtés.
Qualité de la prise de décision
Aux élections de mi-mandat, beaucoup d’électeurs qui avaient porté Obama au pouvoir s’abstinrent ou votèrent pour le parti républicain, parce que le changement n’allait pas assez vite, parce qu’il n’améliorait pas leur vie de tous les jours. La seconde moitié du mandat vit le président confronté à une majorité républicaine hostile dans les deux assemblées.
Un thème récurrent dans le livre d’Obama est la qualité de la prise de décision. Celle-ci passe par le choix des collaborateurs les plus compétents, même s’ils ont travaillé auparavant pour une administration républicaine ou s’ils se sont opposés à lui dans de précédentes élections. Elle implique aussi la recherche du maximum d’informations, l’élaboration de scénarios, la décision en faveur de l’un de ces scénarios et son application rigoureuse.
Il faut aussi accepter l’imperfection de toute décision, et même le risque qu’elle aggrave la situation. Si le raid contre Ben Laden avait échoué, comme avait échoué l’expédition de Jimmy Carter pour libérer les otages en Iran, c’en était fini des chances de réélection du président. Lorsque, en pleine crise financière, le choix fut fait de temporiser pour que des « tests de stress » mesurant la solidité de chacune des banques américaines soient réalisés, les faillites d’entreprise auraient pu se multiplier hors de contrôle et le chômage exploser sans remède.
Vie de famille
Barak Obama parle fréquemment dans son livre de son épouse Michelle et de ses filles Malia et Sasha. Il raconte comment Michelle s’était opposée à sa candidature au sénat du Michigan, sachant combien cet engagement rongerait sa vie de famille. Une fois à la Maison Blanche, c’est une existence hors du commun qui débute. La maison des parents d’élève qui reçoivent Malia ou Sasha pour une soirée-pyjama est fouillée, leur accès contrôlé. Dans cette anormalité, Barak s’efforce de maintenir un lien fort. Lorsqu’il est à la Maison Blanche, il vient dîner en famille tous les soirs avant de coucher les enfants, puis de rejoindre son bureau.
Je vois dans « Une terre promise » le livre de management le plus beau et le plus convainquant que j’aie lu.