Le Rijksmuseum d’Amsterdam présente – à guichets fermés – la plus grande exposition jamais consacrée à Johannes Vermeer (1632 – 1675).
L’exposition s’ouvre dans la première salle par la vue de Delft, ville où Vermeer naquit et resta jusqu’à sa mort.
Le tableau est très connu et a fait l’objet de multiples reproductions. Il est construit en couches horizontales successives. Au premier plan, un banc de sable clair où se trouvent des personnages féminins. Puis l’eau obscure d’une rivière. Au troisième plan, les bâtiments de la ville de Delft, entre ombre et lumière. Enfin, un ciel nuageux.
Je n’avais jamais ressenti à ce point la différence d’expérience sensorielle entre la vue d’une reproduction et la contemplation de l’original. L’objet sous nos yeux a traversé quatre siècles ; Le contraste des couleurs, la construction de l’espace, la luminosité du tableau captent l’attention et suscitent une forte émotion.
Dans la même salle, un petit tableau représente une rue de Delft. L’œil du visiteur pénètre dans une pièce où travaille une femme ; il s’invite dans une cour intérieure où d’autres femmes font le ménage. C’est l’extérieur qui pénètre à l’intérieur. Exactement le mouvement inverse des toiles plus connues qui représentent un intérieur, une fenêtre par laquelle entre la lumière et des objets – cartes géographiques ou lettres reçues ou écrites – qui rendent présent le monde extérieur.
Dans une autre salle, je suis frappé par la similarité de la construction de deux tableaux. Dans « l’entremetteuse », le regard du spectateur est tourné vers la main de la courtisane qui attend une pièce d’or. Dans « Le Christ entre Marthe et Marie », c’est la main de Jésus désignant Marie comme sa préférée qui capte le regard.
Nombre de toiles présentées à l’exposition mettent en scène des femmes occupées au jeu de la séduction. Elles reçoivent ou écrivent des lettres d’amour, jouent de la musique, reçoivent des visites galantes.
Deux personnages masculins attirent l’attention : l’astronome et le géographe, tous deux absorbés par l’observation et la compréhension du monde terrestre et de l’univers.
Qu’est-ce qui rend Vermeer unique et son œuvre fascinante ? C’est probablement qu’il ne raconte pas des histoires. Il plante un décor, une scène, et laisse le spectateur libre d’interpréter et d’imaginer.
Il n’est plus possible de réserver pour cette exposition, qui se clôt le 4 juin 2023. On peut toutefois la visiter virtuellement grâce à un excellent documentaire de Stephen Fry (en anglais). Le commentaire est vivant, les images proposent des plans larges mais aussi des détails qui conduisent à une compréhension plus profonde de l’œuvre de Vermeer.