Le journal conservateur espagnol ABC vient de rendre compte d’un projet de loi qui réintroduirait les travaux forcés dans les prisons polonaises.
Le 25 octobre dernier, le parti Droit et Justice (PiS) a obtenu la majorité absolue au parlement polonais, sur un programme de « régénération de la vie publique » résolument anti-européen et réactionnaire.
Selon le quotidien espagnol ABC, dont le correspondant à Berlin cite la chaîne de radio RMF, la nouvelle première ministre Beata Szydlo se préparerait à présenter en janvier une nouvelle loi pénitentiaire.
« Le nouveau gouvernement polonais, écrit ABC, considère que les délinquants purgeant des peines de prison vivent trop bien. C’est sur cette idée que se fonde la proposition de loi que le ministère de la Justice de Varsovie présentera en janvier. La réforme prévoirait moins d’heures de temps libre dans les cellules, des postes de télévision moins disponibles aux prisonniers et, surtout, l’obligation faite aux prisonniers de travailler pour l’État, qui couvre les frais de leur hébergement.
Travail obligatoire
Le gouvernement conservateur de Beata Szydlo vise à ce que plus de la moitié de la population carcérale, tous ceux qui sont capables de travailler, consacrent une partie de leur journée à participer à la construction de routes et à des travaux publics, ainsi qu’à l’entretien et à la restauration des propriétés de l’État. Ce serait un travail obligatoire que le prisonnier ne pourrait pas choisir ni rejeter. La réforme concerne aussi d’autres travaux de nature sociale, comme l’aide aux malades, aux handicapés et aux personnes âgées, afin que le temps que les prisonniers passent en prison serve la communauté et plus spécialement les plus défavorisés.
En outre, cette réforme du système pénitentiaire inclut davantage de restrictions au droit des prisonniers à bénéficier de rencontres intimes avec leurs partenaires, qui serait même supprimé pour les personnes reconnues coupables des crimes les plus graves. »
L’idée d’obliger les détenus à travailler pour payer leur hébergement est portée en France par des politiciens de droite. En Pologne, le PiS, parti dont le programme est très semblable à celui de Front National français, entend donc rétablir les travaux forcés.
Une réforme difficile à mettre en œuvre
L’objectif est en apparence louable : donner de l’utilité à la vie oisive des détenus, servir la collectivité publique et les plus démunis. Le véritable objectif est en réalité de renforcer le caractère punitif de la prison. La mise au travail forcé d’une majorité de prisonniers, sans qu’aucune rémunération ne soit évoquée, fait partie d’une série de mesures vexatoires, notamment la restriction de l’accès à la télévision et au parloir.
La mesure sera difficile à mettre en œuvre : faudra-t-il un surveillant ou un policier derrière chaque prisonnier occupé à construire une route ou à assister une personne âgée ? L’emploi d’une main d’œuvre forcée et gratuite ne portera-t-elle pas préjudice aux travailleurs libres ? Comment l’autorité viendra-t-elle à bout des révoltes que ne manquera pas de susciter dans les prisons l’accumulation des frustrations ? Comment le gouvernement polonais justifiera-t-il la conformité de la nouvelle législation avec les traités européens et la convention adoptée par les Nations Unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants ?
La réforme tourne le dos à l’objectif de réinsertion
Mais c’est surtout la philosophie de la réforme qui est contestable. La prison a certes pour objet de punir. Mais elle doit aussi veiller à prévenir la récidive, à indemniser les victimes et à faire des personnes qui y passent des êtres mieux intégrés à la société. Certes, la réinsertion reste un idéal éloigné dans beaucoup de pays européens, mais c’est néanmoins l’horizon sous lequel travaillent les services pénitentiaires.
Mettre l’accent uniquement sur le châtiment, réduire l’accès des détenus à la formation, les empêcher de gagner un peu d’argent en prison en vue de la sortie, ne pas ouvrir la possibilité d’aménager leur peine pour préparer leur retour à la vie normale, c’est prendre le risque de les transformer en fauves plus dangereux pour la société lors de leur libération qu’ils n’étaient lorsqu’ils furent incarcérés.