Vivre

Dans “Vivre », le jeune réalisateur sud-africain Oliver Hermanus plonge le spectateur dans le Londres de l’après-guerre, entre les rigidités sociales et l’urgence de la reconstruction.

 Chaque matin, en 1953, un groupe de fonctionnaires de la mairie de Londres prend le train jusqu’à la gare de Waterloo, strictement vêtus d’un costume trois-pièces et coiffés d’un chapeau melon. Ils travaillent ensemble dans un bureau encombré de paperasses sous la direction d’un chef ombrageux, Sir Williams (Bill Nighy). La règle n°1 est la fuite des responsabilités : on se renvoie les dossiers gênants du bureau de l’urbanisme à celui des parcs et jardina et à celui de l’assainissement, jusqu’à ce qu’ils reviennent au service envoyeur.

 Sir Williams apprend de son médecin que son cancer ne lui laisse plus que six mois à vivre. Ayant entendu des infirmières parler de la station balnéaire de Bournemouth, il s’y enfuit, s’essaie aux bars et aux machines à sous, troque son chapeau melon contre un autre dans le vent.

Il est fasciné par Miss Harris (Aimee Lou Wood), une jeune femme qui travaillait sous ses ordres et a décidé de quitter la mairie pour la restauration. Miss Harris est gaie, elle s’enthousiasme pour des enfants rencontrés dans la rue, aime le cinéma, la bonne cuisine. Sir Williams ne lui demande rien moins que de lui apprendre à vivre, lui qui s’est attiré au travail le surnom de « zombie », momie égyptienne morte-vivante.

 Il ne parvient pas à ouvrir le dialogue avec son fils et sa belle-fille, qui partagent son toit. Ils ne sauront pas qu’il est à la toute fin de sa vie. C’est dans son autre lieu de vie qu’il trouvera le moyen de faire quelque chose de son existence.

 Un groupe de femmes a remis une pétition à la mairie pour qu’une petite place ravagée par les bombardements soit réhabilitée et que des jeux d’enfants y soient installés. Leur dossier faisait partie de ceux que l’on laissait traîner impitoyablement. Sir Williams en fait la grande affaire de sa fin de vie. Il devient à son tour importun auprès des chefs des autres services et du directeur, avec une telle insistance que ceux-ci doivent mettre le dossier de l’aire de jeux au sommet de la pile.

 « Vivre » est un film émouvant, porté par un Bill Nighy au sommet de son art d’acteur. Dans l’Angleterre des années 1950, toute communication est au second degré, on ne se dit rien de personnel même au sein de la famille, l’amitié entre le vieux Sir Williams et la jeune Miss Harris fait scandale. On sent le carcan prêt à éclater. Beatles et Rolling Stones ne sont pas loin.

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