« Voir du pays », film de Delphine et Muriel Coulin, a obtenu le prix du scénario au Festival de Cannes 2016 dans la catégorie « un certain regard ».
Aurore (Ariane Labed) et Marine (Soko) sont militaires. Elles reviennent d’Afghanistan avec les autres membres de leur section, une cinquantaine d’hommes et une seule autre femme, Fanny (Ginger Román), qui était infirmière.
Elles ne rejoindront pas tout de suite leurs familles en France. Il leur faudra d’abord passer par trois jours de « sas de décompression » organisés (ou offerts) par l’armée dans un hôtel cinq étoiles sur le littoral chypriote. A menu : repos, salle de sport, buffet à volonté, excursion en bateau, et aussi « debriefing ». L’objectif est de déposer à Chypre le bagage d’angoisse et de souffrances accumulé pendant les mois de campagne dans les montagnes hostiles d’Afghanistan.
Le debriefing consiste en une réunion dans laquelle chacun est prié de venir raconter une expérience particulièrement traumatisante vécue là-bas. Il se trouve que la section a été l’objet d’une embuscade pendant laquelle trois camarades ont perdu la vie. Le contexte est recréé en images virtuelles : la gorge étroite au fond de laquelle serpente la route, les engins blindés, les assaillants qui font feu depuis les hauteurs, le premier véhicule en flamme, les autres qui font demi-tour.
S’exposer au regard des autres alors que l’on est plongé dans une situation de stress extrême est compliqué. Cela le devient encore plus lorsque ces confessions publiques tournent à la critique des choix tactiques de la hiérarchie pendant l’assaut et à l’accusation d’avoir délibérément sacrifié l’équipage du premier véhicule. Le groupe se déchire, des frustrations et des haines rampantes se manifestent violemment. Les psychologues sont impuissants à ramener sérénité et cohésion.