La Chaine Parlementaire, LCP, a récemment diffusé « Welcome chez nous », un documentaire d’Adrien Pinon sur l’accueil de réfugiés afghans à Serquigny (Eure).
Ce reportage, inclus dans l’émission « droit de suite », était suivi d’un débat animé par Jean-Pierre Gratien avec le réalisateur, le maire de Serquigny, le directeur général de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et une responsable de France Terre d’Asile. En octobre 2016, le gouvernement fit évacuer la « jungle de Calais ». Cette fois, l’opération avait été dûment préparée : les 6 000 migrants déplacés furent accueillis dans 450 centres d’accueil et d’orientation disséminés en France. Trente d’entre eux, des Afghans, arrivèrent à Serquigny, un bourg de 2 000 habitants situé entre Évreux et Lisieux.
Le maire de la commune, Lionel Prévost, avait été contacté par la Préfecture. Il impliqua son conseil municipal dans la préparation d’un projet. Des réunions furent organisées avec le sous-préfet. On choisit d’héberger les migrants dans des appartements HLM inoccupés plutôt que, comme cela avait été envisagé, dans l’ancienne gendarmerie désaffectée. Ils arrivèrent un soir vers 22h : le préfet, le maire et des conseillers municipaux les accueillirent avec une collation.
Le film d’Adrien Pinon s’ouvre sur une manifestation du Front National local hostile à l’arrivée des migrants : « la Normandie aux Normands ! » Dans le reportage, un couple de retraités exhale sa rancœur : on leur demande sans cesse de donner, on les ponctionne, ils ne sortent pas de la galère ; rien n’est fait pour les Dupont-Durand, alors qu’on chouchoute des étrangers qui ont droit à tout. Le titre du documentaire, « Welcome chez nous », se réfère à la position de ceux qui considèrent l’arrivée d’étrangers comme une agression. Un comble pour des « Normands » issus de l’envahisseur viking !
Pour Lionel Prévost et son équipe, la priorité est d’expliquer : non, ce ne sont pas des hordes barbares qui débarquent. Ce sont trente hommes qui ont vécu des situations atroces et sont acculés à vivre loin de ceux qu’ils chérissent. Leur message est relayé et traduit en action par des bénévoles, des retraités qui voient dans leur présence une opportunité pour voyager sans partir de chez eux. Ils leur enseignent le français, organisent une soirée gastronomique et dansante, les accompagnent à Paris, au siège de l’OFPRA, l’organisme qui gère les demandes d’asile.
Au bistrot de Serquigny, on ne parlait que de l’arrivée des migrants. Peu à peu, leur présence devient si simple et si évidente qu’elle n’alimente plus les conversations de comptoir.
Des trente migrants accueillis à Serquigny, neuf ont « reçu la protection de la France », sous la forme d’un permis de séjour de dix ans. Quatre sont retournés à la clandestinité. Vingt et un sont dans l’attente. S’ils ne peuvent prouver que leur vie est menacée en Afghanistan, ils seront expulsables du territoire français. Vers où ? Le reportage est muet sur ce point.
L’accueil des migrants de Calais dans les centres d’accueil et d’orientation est en principe limité dans le temps. Mais la vague d’immigration est loin de tarir. La Grèce, l’Italie et l’Allemagne y sont confrontés tous les jours. En France, l’État a montré qu’il était capable de mobiliser des moyens pour que l’accueil se passe dans de bonnes conditions ; localement, des bénévoles se sont mobilisés pour qu’il soit source de rencontre. Serons-nous capables de définir une vraie politique migratoire, à l’échelle européenne et nationale ?