France 2 a récemment diffusé Zero Dark Thirty, film de Kathryn Bigelow sur la traque d’Osama Ben Laden.
« Zero Dark Thirty » retrace la traque de Ben Laden depuis les attentats du 11 septembre 2001 jusqu’à son assassinat par un commando américain dans son bunker à Abbottabad au Pakistan le 2 mai 2011.
L’héroïne de l’histoire est Maya (Jessica Chastain), un agent de la CIA qui fait de l’élimination de Ben Laden une affaire personnelle. Maya fait partie de l’agence depuis deux ans lorsqu’elle est envoyée en Afghanistan pour recueillir de l’information. On est alors en pleine période Bush : la torture, en particulier le « waterboarding » (application d’un linge gorgé d’eau sur le visage d’un suspect) est couramment pratiquée. Pour cette jeune femme d’apparence frêle, l’expérience est rude.
Dan (Jason Clarke), un collègue de Maya, tente de faire parler Ammar (Reda Kateb). L’interaction du tortionnaire et du torturé est fascinante. D’un côté, la pression physique jusqu’à la lisière de la mort, l’humiliation (la nudité devant une femme, le collier de chien), la tentation (le verre d’eau ou la cigarette) ; de l’autre, l’obstination à garder un minimum de dignité, la crainte des représailles si l’on donne le nom des camarades.
La torture donne des informations vraies et fausses qui, mêlées à un torrent d’informations livrées par des indicateurs ou par l’écoute téléphonique, forment un gisement presque inexploitable. Près de dix ans après le début de la traque, le refuge de Ben Laden reste un mystère : on le dit terré dans une grotte en Afghanistan, peut-être même mort. Maya est persuadée qu’une piste a été délaissée. Elle explore le matériel disponible, l’explore de nouveau. Elle finit par trouver une piste : celle d’un homme qui pourrait servir de messager à Ben Laden, qui par précaution n’utilise aucun appareil électronique.
Un Koweitien pourrait connaître le numéro de portable de ce suspect. On le corrompt on lui achetant, aux frais de la CIA, une Lamborghini décapotable jaune. Le suspect devient localisable. On suit ses mouvements. On identifie une maison défendue comme un bunker, dont les habitants ne sortent jamais.
Au siège de la CIA, les avis divergent. Quelle est la probabilité que Ben Laden habite ce bunker ? 60 % ? 40% ? Maya est si convaincue qu’elle finit par emporter la conviction du conseiller du président. L’opération d’assaut du bunker par deux équipes héliportées a lieu dans la nuit (zero dark thirty signifie minuit et demie en jargon militaire). Le spectateur y assiste dans la peau d’un militaire, équipé d’un appareillage de vision nocturne.
Zero Dark Thirty est un grand film, mené avec l’énergie et le rythme d’un thriller mais aussi avec une forte intensité psychologique. Sur une base américaine en Afghanistan, Jessica (Jennifer Eble), patronne de l’agence locale, est convaincue qu’un personnage haut placé dans la hiérarchie d’Al Qaïda lui livrera des informations capitales. Elle convainc le service de sécurité de le laisser pénétrer sans contrôle. C’est un pari à haut risque. De fait, le passager de la voiture n’est pas le personnage attendu, et il fait sauter sa ceinture d’explosifs ;
Le film de Kathryn Bigelow reflète notre position dans le monde chaotique d’aujourd’hui. Les agents américains sont plongés dans des populations totalement étrangères à leur culture et privés de leurs points de repère habituels. Ils ont appris les langues et les coutumes, mais cette formation reste superficielle. Ils doivent apprendre à se diriger, au jour le jour, dans cette terre inconnue sans balises et sans cartes. Lorsque vient l’heure de prendre une décision, ils n’ont jamais 100% des informations nécessaires à leur disposition. Il leur faut pourtant choisir et aller de l’avant, en acceptant le risque de se tromper au risque de mourir ou d’envoyer à la mort des camarades.