Actualité9 novembre 20190Cavales

Dans « Cavales, De Mesrine à la liberté, l’histoire vraie du roi de l’évasion » (Plon, 2019), François Besse évoque ses nombreuses évasions de prison, et aussi, grâce notamment à Spinoza, l’apprentissage de la vraie liberté.

François Besse, né en 1944, est connu pour avoir été l’associé de « l’ennemi public numéro 1 », Jacques Mesrine, et pour s’être évadé de la maison d’arrêt de Gradignan (deux fois, en 1971 et 1974), de Fresnes, de la Santé, du Palais de Justice de Bruxelles et de la prison espagnole de Carabanchel.

Partir, il le fallait

Le livre s’ouvre sur sa première incarcération, à Gradignan (dans la banlieue de Bordeaux) pour un cambriolage que Besse n’a pas commis, après une garde à vue musclée et un procès inique. « Je me suis inscrit dans la marginalité, estimant que j’avais été condamné injustement. Je savais que c’était un suicide social. La vie étant absente en prison, ma détermination à vivre au milieu des hommes a été la plus forte. (…) Partir, il le fallait. » Il s’achève par la levée des contraintes judiciaires qui pesaient sur lui, le 18 juin 2015.

Entre ces deux dates, 1971 et 2015, un parcours exceptionnel : d’abord celui d’un délinquant multirécidiviste, qui fut condamné à mort par contumace, et qui profita de larges périodes de cavale pour jouir de la vie, en France, en Belgique, en Italie, en Algérie. Sa découverte de l’oasis mozabite de Beni Izguen est particulièrement émouvante. « Avez-vous remarqué qu’il n’y a aucun mendiant dans nos rues ? lui demande son guide – C’est vrai – C’est parce que nous prenons soin de tous les membres de notre communauté. »

Puis, dans les années 1990, la découverte émerveillée du savoir. Le cancre qu’il avait été à l’école passe le bac, découvre la pensée de Spinoza. « Il me semble aujourd’hui clair, écrit-il dans le livre, qu’une part de mon utopie vient de la façon dont j’ai interprété ce que j’ai subi d’inacceptable. J’ai dû réagir sous la contrainte de tous ces affects, sans bénéficier de ce que le savoir a d’émancipateur. » Déjà vingt ans plus tôt, il écoutait, passionné, Radioscopie de Jacques Chancel : « les invités étaient nombreux (…) Tous sont entrés une heure dans ma cellule pour me parler. Me sortir du trou – surnom que l’on donne à la prison. » Libéré de prison en 2006, Besse intègre le mouvement Emmaüs de l’Abbé Pierre.

François Besse en 1973

L’engagement citoyen de bénévoles

François Besse souligne le rôle des bénévoles, ces « femmes et hommes issus du monde civil, heureux de partager leurs savoirs et s’impliquant totalement, sans aucun a priori, une fois passée la surprise de la découverte du milieu carcéral. Leur présence est essentielle, l’affirmation véritable de l’engagement citoyen au cœur de cette institution chargée de cloîtrer tous les bannis de l’humanité. Le retour dans la société ne peut se faire que grâce à eux. »

« Cavales » nous rappelle un épisode oublié. En 1974, un mouvement de révolte dans les prisons amena le président Giscard d’Estaing à créer un Secrétariat d’État à la condition pénitentiaire. En visite à Gradignan, Hélène Dorlhac de Borne parla à François Besse qui lui tint ce langage : « la prison, ce n’est pas seulement la privation de la liberté. C’est surtout le constat d’un échec social. C’est à la racine des différentes inégalités que vous trouverez les causes de cette frontière entre le bien et le mal, établie par une morale archaïque. Deux siècles d’idéal disciplinaire et de surveillance intrusive – jusque dans l’intimité de l’âme et des corps – par l’institution carcérale ont partout échoué. »

Taleb Hadjaj

Entendus par les responsables de la prison de Gradignan, Besse et des camarades proposèrent la rédaction de cahiers de doléances où les prisonniers pourraient librement s’exprimer, de façon anonyme s’ils le désiraient. « À notre grande surprise, on nous demanda de passer dans chaque cellule présenter la proposition que faisaient les autorités. Deux détenus étant mandatés par niveau, j’héritai avec un camarade du sixième étage. »

Un passage émouvant du livre est la lettre laissée par Taleb Hadjaj, qui se suicida le 26 février 1980 après avoir passé cinq années dans les QHS. « Si je me suicide, c’est par désespérance envers moi. Comprenez : je suis mort désespéré, mais pas dépressif. Depuis deux ans je pense à mettre un terme à cette situation. Le recours à l’évasion ayant échoué, il me restait « l’autre évasion ». Je suis mort à vingt-cinq ans de destructions, de haines, de souffrances, de larmes, de quête d’amour, d’affection et d’amitié »

 

François Besse

Commenter cet article

Votre email ne sera pas publié.