Economie5 avril 20121Eloge de l’assurance-crédit : un métier en devenir

Dans un précédent article de transhumances, j’ai fait l’éloge de l’assurance-crédit, un métier passionnant. Je voudrais dire maintenant pourquoi c’est un métier en devenir.

 Je suis entré dans l’assurance-crédit en provenance de la banque en 1990. A cette époque, l’assurance-crédit opérait dans les frontières nationales et, en ce qui concerne l’exportation, sous la férule des Etats nationaux. Les vingt dernières années ont vu un mouvement accéléré de privatisation et d’internationalisation de l’activité. Les trois leaders mondiaux sont parfois caractérisés aujourd’hui de « multinationales bonzaï » : leurs effectifs ne dépassent pas quelques milliers de personnes, mais elles sont effectivement présentes dans tous les pays qui comptent dans l’économie mondiale. Elles ont en effet suivi leurs clients là où ils avaient des filiales à assurer ; mais les fonctions vitales, information, risques, recouvrement et indemnisation sont largement centralisées, ce qui permet des économies d’échelle.

 D’importants changements sont à l’œuvre actuellement dans « l’industrie » de l’assurance du crédit commercial (trade credit insurance industry), comme on la nomme en Grande Bretagne.

 Améliorer la pertinence des scores de solvabilité

 Il faut d’abord que les assureurs-crédit affrontent une limitation majeure de leur activité. Ils achètent en masse de d’information sur des millions d’entreprise dans le monde, mais même dans les pays où cette information est fiable (comme en France ou en Grande Bretagne), elle n’est disponible que des mois après la clôture des bilans. Comment être sûr que les scores de solvabilité produits à partir de cette information ancienne prédisent la situation de l’entreprise à l’horizon d’un an, celui dans lequel opèrent les assureurs-crédit ? Il y a deux réponses à cela : en élaborant une information plus sophistiquée sur les acheteurs concentrant davantage de risque ; et en surveillant la normalité statistique des scores produits en masse. Il faudra aussi introduire dans les algorithmes statistiques des paramètres représentant l’influence de facteurs macro-économiques : dans quelle mesure l’approche d’un risque systémique (par exemple la menace de crise bancaire en 2008) peut-elle précipiter la chute da la solvabilité d’entreprises considérées comme saines dans une conjoncture de croissance économique ?

 Intégrer les systèmes

 Le second défi est celui de l’intégration des systèmes entre les assurés et l’assureur. Techniquement, il est facile aujourd’hui de donner accès à l’assureur au « grand livre » de l’assuré : les factors travaillent sur cette base. Si l’assureur connaissait au jour le jour l’état des ventes de l’entreprise, il pourrait tarifer la police avec exactitude, décider des limites de crédit en fonction des besoins, déclencher automatiquement le recouvrement et l’indemnisation en cas d’impayé. Cette intégration se réalisera dans les prochaines années, soit de façon bilatérale entre l’assuré et l’assureur, soit par le truchement du courtier.

 Articuler assurance et financement

 Enfin, le troisième défi est celui d’une correcte articulation entre banque de financement et assurance du crédit. Banques et Assureurs ont et auront des contraintes plus strictes d’allocation de leur capital (Bâle III pour les banques, Solvabilité II pour les assureurs), mais la structure de leur bilan est différente : les assureurs reçoivent la prime avant de porter le risque, les banques sont rémunérées pour leur service et leur financement après qu’ils ont été exécutés. Il y a donc une complémentarité qu’il faut explorer d’autant plus activement que, culturellement, les deux activités parlent des langages différents : celui de la « garantie à première demande » pour les banques, celui de la « garantie conditionnelle » pour les assureurs. Incorporer de l’assurance-crédit dans leurs financements limiterait le montant de capital que les banques doivent immobiliser en face de leurs engagements  – si toutefois ils sont capables de quantifier l’atténuation du risque par l’assurance ; pour les assureurs-crédit, le réseau des banques est le seul canal viable d’accès aux PME et à leur considérable potentiel de croissance.

 Améliorer la pertinence des scores, travailler à l’intégration des systèmes, définir des stratégies communes avec des banques : le métier d’assureur-crédit s’annonce passionnant dans les années à venir !

One comment

  • Emploi assurance

    2 juillet 2012 at 16h14

    Un témoignage complet et informatif sur le métier de l’assurance-crédit, le rôle et sa mission dans le domaine. Mais, le cœur du métier de l’assurance crédit n’est-il pas également de garantir contre le risque commercial d’insolvabilité sur le marché domestique et à l’exportation ?

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