Cinéma14 avril 20210L’incroyable histoire du facteur Cheval

France 3 a récemment diffusé « l’incroyable histoire du facteur Cheval », film de Nils Tavernier (2017) avec Jacques Gamblin dans le rôle principal.

Joseph Ferdinand Cheval (1833 – 1924) a consacré 33 dans de sa vie, à partir de 1879, à la construction d’un « palais idéal » qui se visite aujourd’hui à Hauterives, un village de la Drôme.

Le film de Nils Tavernier commence en 1879. Cheval a 44 ans. Il exerce le métier de facteur en milieu rural. Il parcourt à pied trente kilomètres par jour dans les chemins de campagne. C’est un homme de peu de paroles. Aujourd’hui, certains historiens pensent qu’il était autiste Asperger.

Il est veuf, père de deux garçons, l’un décédé à l’âge de deux ans, l’autre, Cyril, confié à un oncle au décès de son épouse. Joseph a la réputation d’un fou. Saurait il s’occuper d’un jeune enfant ?

Une femme de deux ans sa cadette, Philomène (Laetitia Casta) ne se laisse pas arrêter par la réputation de « fou du village » que traîne Joseph. Elle devine son épaisseur humaine, son goût pour la nature, sa résilience lorsque la vie le malmène. Elle l’épouse. Ils ont ensemble une fille, Alice.

Alice devient la passion de Joseph, son étoile polaire. Il décide de réaliser pour elle un projet qu’il porte en lui, au long des chemins : construire un palais inspiré par les arbres et les oiseaux, un palais idéal. Il ramasse des pierres pendant ces tournées et pendant ses temps libres, y compris la nuit, il construit son palais avec du mortier et du fil de fer comme armature.

Lorsqu’Alice décède à l’âge de quinze ans, Joseph est dévasté de chagrin, mais jure de mener son projet à bien. Il faudra dix-huit années de labeur de plus pour qu’il déclare le chantier terminé. Le film s’achève sur le mariage d’Alice, la fille de Cyril et petite-fille de Joseph, dans le palais idéal illuminé.

Joseph a 78 ans lorsque décède Philomène. « Vais-je mourir ? » lui demande-t-elle. « Oui, répond-il, mais ce palais est ton palais, c’est grâce à toi que j’ai pu aller au bout de mes rêves. » Nils Tavernier dit de Philomène : « pour avoir beaucoup travaillé sur le handicap et la différence, j’ai connu des femmes comme elle, entièrement « dévolues » à leurs hommes (selon l’expression de Françoise Dolto). Il ne s’agit pas d’un amour inconditionnel comme on peut en porter à un enfant, mais d’un amour solide, résistant à tout, aux deuils comme à la dureté de la vie. »

Jacques Gamblin donne dans le film une extraordinaire performance d’acteur. « J’ai terminé ce tournage sur les genoux, dit-il, à cause de la concentration que demandait le rôle. Cheval est un personnage qui se contrôle et se contient tout le temps. Il traverse des moments d’émotion insensés, mais, quoi qu’il arrive il reste de marbre. C’est difficile de jouer ça, de tout garder à l’intérieur. Donner à faire ressentir, ne rien extérioriser est exténuant »

André Malraux a fait classer le « palais idéal » monument historique, malgré l’avis de conseillers qui trouvaient ce bâtiment de mauvais goût. Il invoquait un rare exemple d’architecture naïve. C’est la parenté avec l’art nouveau qui me frappe, l’omniprésence de formes courbes inspirées de la flore.

« L’incroyable histoire du facteur Cheval » est un film sensible, dans lequel l’émotion court à fleur de peau.

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