CinémaSociété17 janvier 20170Muchachas

Le Festival international du film des droits de l’homme de Pessac (Gironde) a récemment programmé « Muchachas », un film de Juliana Fanjul sur la vie d’employées de maison à Mexico.

Lorsque la grand-mère de Juliana Fanjul est décédée, la famille a tout simplement oublié d’envoyer un faire-part à Remedios, l’employée de maison (« muchacha ») qui l’avait servie pendant des années et qu’elle considérait comme sa sœur. Juliana a eu l’idée de faire de cette histoire très personnelle un film.

Comment est-ce possible que ces femmes qui occupent une place si indispensable dans la vie des familles se fassent si discrètes qu’elles en deviennent quasi-invisibles ? Quelle sorte de relation s’établit-elle entre elles et leurs patronnes (ou patrons), entre affection profonde et sentiment bien enraciné d’appartenir à deux mondes différents ?

Juliana Fanjul a donc proposé à trois femmes qui avaient servi dans sa famille de venir les filmer au travail. Elles ne cessent pas une minute, entre cuisine, vaisselle, lessive, aspirateur, changement des draps, et même toilettage du chien. Juliana les regarde faire et, pendant qu’elles font, leur pose des questions très personnelles sur leur vie.

Remedios, est à un moment critique de sa vie. On la voit vider et nettoyer l’appartement de sa patronne décédée, où elle a vécu de nombreuses années, où elle avait sa chambre. En perdant sa patronne, elle perd son travail. Elle reviendra vivre au village.

Lupita en action

Lupita (Guadalupe) est employée par une femme de la haute bourgeoisie, visiblement incapable de prendre en charge sa propre vie. Elle travaille en uniforme noir et blanc, ou en uniforme beige lorsqu’il s’agit de servir ces messieurs dames à table. Son rythme de travail est harassant. Mais elle ne quitterait son poste pour rien au monde. Lorsqu’elle revient chez elle après un long trajet à pied, en métro et en autobus, une autre journée commence, au service du mari et des petits enfants. Aller travailler dans le cadre d’un horaire fixe constitue pour elle comme une protection.

Dolores travaille depuis 22 ans pour un intellectuel absorbé par son travail qui ne lui adresse que rarement la parole. Elle espère travailler encore huit ans, bien qu’elle accuse un âge avancé. Son grand regret est de n’avoir pu étudier, ni au village car ses parents prétendaient que l’instituteur violait les fillettes, ni en cours d’adultes car elle devait garder un enfant.

Patrons et employés viennent de deux mondes différents qui cohabitent constamment mais ne se mélangent pas. Il y a une forte connotation ethnique dans cette distance. Lupita explique que les Espagnols sont arrivés dans un village voisin, ont violé les filles et donné naissance à des enfants aux yeux bleus. Elle oppose les Mexicains, petits, cheveux noirs, peau tachée, aux Européens grands, blonds aux yeux bleus. Elle pense que les filles violées devaient aimer cela : on ne résiste pas à un grand blond aux yeux bleus !

« Muchachas » est un film lent et délicat qui entrouvre une porte sur la vie de ces femmes qui vont de l’avant courageusement bien que nées du mauvais côté de la société. La projection à Pessac fut suivie d’un débat dans lequel une Mexicaine professeure d’espagnol à Bordeaux expliqua que l’exode rural se fait moins maintenant vers la Mexico que vers les États-Unis ; une jeune étudiante Brésilienne évoqua sa propre expérience de fille au pair avant que le gouvernement de Lula n’encadre la profession d’employé de maison.

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