PolitiqueSociété8 septembre 20200Ronds-points

Le site Métropolitiques a récemment reproduit un article d’Antoine Bernard de Raymond et Sylvain Bordiec, « Tenir : les Gilets jaunes, mouvement d’occupation de places publiques », daté du 14 octobre 2019.

Le 17 novembre prochain marquera le deuxième anniversaire du mouvement des gilets-jaunes. Bien qu’il se soit effiloché d’acte en acte, qu’il ait parfois dérivé dans la violence de rue et qu’il ait disparu de la scène publique avec le confinement sanitaire, il marquera durablement la réalité sociale et politique de la France.

Les auteurs de l’article se sont rendus chaque semaine pendant des mois sur deux ronds-points tenus par des gilets-jaunes dans une localité de moins de 10 000 habitants dans le sud-ouest de la France, à plusieurs dizaines de kilomètres d’une grande ville où nombre de ses habitants travaillent.

Le 17 novembre 2018, des manifestants occupent des ronds-points. Les auteurs écrivent : « Cette première journée est perçue par beaucoup comme un moment de basculement, sur le mode d’une révélation. De nombreux témoignages soulignent la possibilité inédite d’échanger sur ses conditions de vie avec d’autres, qui transforme le regard qu’on porte sur soi-même et sur la société : « Le 17 novembre, pour moi, c’est la précarité décomplexée », dit un travailleur social. Les rassemblements apparaissent à leurs protagonistes comme des moments de solidarité et de fraternité entre personnes ne se connaissant pas auparavant. Une protestation contre une taxe ou l’expression d’un « ras-le-bol » général se transforment ainsi en une revendication de dignité, voire une remise en cause profonde des élites et de la représentation politiques. »

Photo de l’article de Métropolitiques

La manifestation devient occupation jour et nuit. Lorsque la police évacue les ronds-points, des campements s’établissent sur des terrains privés en bordure de route, d’où ils sont moins facilement délogeables. « On construit « en dur » et on s’organise pour tenir en permanence les occupations. Il s’agit de mettre en place un lieu habitable où il est possible de dormir, prendre des repas et se rassembler. »

Les occupants de la « maison du citoyen », comme ils nomment leur cabane, reçoivent de nombreuses personnes des encouragements et des dons – nourriture, cagettes, argent. Ils sont aussi l’objet d’insultes et de menaces et doivent organiser leur sécurité. Ils expliquent aux sociologues que l’intensité de leur engagement tient au fait de « rencontrer des gens de tous milieux » ? « L’occupation est une transformation heureuse du style de vie ».

Le rond-point devient un centre de vie sociale pour ces gens qui ont quitté les centres-villes pour un urbanisme périurbain déstructuré.

En conclusion ,écrivent les auteurs, « Si le mouvement des Gilets jaunes a souvent mis en avant le motif de la colère, voire du ressentiment envers les élites, cette mobilisation, dans sa dimension d’occupation et d’invention de places publiques, répond aussi à une aspiration à la solidarité. »

L’article d’Antoine Bernard de Raymond et Sylvain Bordiec est intéressant parce qu’il se fonde sur l’observation de la réalité de terrain. Il souligne aussi la contradiction fondamentale des gilets-jaunes : si leur mouvement a permis de découvrir et de consolider des liens de solidarité, il contient aussi dans les gènes un individualisme exacerbé par les réseaux dits sociaux, qui se traduit par une profonde allergie à toute forme de leadership et d’organisation.

Photo de l’article de Métropolitiques

Commenter cet article

Votre email ne sera pas publié.