CinémaItalieReligion8 novembre 20150Sangue del mio sangue

Le dernier film de Marco Bellochio, Sangue del mio sangue (sang de mon sang), est déroutant : il juxtapose deux histoires, l’une de 2015, l’autre de 1640, et parle du sang qui coule dans les veines de l’Italie de génération en génération.

Le petit village de Bobbio, en Émilie – Romagne, est depuis des années le théâtre d’un phénomène étrange. La nuit se promène, tel un vampire, un aristocrate que l’on croyait disparu depuis huit ans. La tentative d’escroquerie d’un faux agent du fisc va accélérer l’histoire. Il prétend vendre, au nom du gouvernement qui a besoin d’argent, l’ancienne prison à un milliardaire russe. La prison a une vieille histoire : elle était autrefois un couvent. Aujourd’hui, elle sert de refuge clandestin au Dracula local.

Le Comte (Roberto Herlitzka) vit sa dernière nuit. Pour la dernière fois, il réunit dans la salle d’attente du dentiste le comité mafieux qui régente secrètement la ville. Pour la dernière fois, il tombe amoureux d’une jeune femme quelconque, une serveuse de restaurant, et se laisse photographier entouré de ses amies.

Roberto Herlitzka
Roberto Herlitzka dans le rôle du compte vampire

Dans le même lieu, alors un couvent, il y a quatre siècles, un drame s’est joué. Une nonne, Benedetta (Lidya Liberman), est assurée de sorcellerie. Elle est passée entre les mains d’un redoutable inquisiteur franciscain (Alberto Craco). Un homme, Federico Mai (Piergiorgio Bellochio) a un intérêt personnel à ce qu’elle avoue être possédée du diable : son frère jumeau est tombé amoureux de Benedetta et s’est suicidé, se condamnant ainsi à être privé de sépulture chrétienne ; s’il a été ensorcelé, il sera réhabilité.

Federico est ambivalent. Il tombe lui aussi sous le charme de cette femme dont la passion amoureuse est plus forte que l’eau et le feu. Dans la pension où logeait son frère, ses relations avec les deux hôtesses, drôlement appelées Marthe et Marie, (Alba Rohrwacher et Federica Fracassi) touchent franchement à l’érotisme. Mais lorsque l’on emmure Benedetta, qui vivra le reste de sa vie dans ses excréments, il laisse faire le crime.

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Lidya Liberman, dans le rôle de Benedetta, entourée par le tribunal de l’Inquisition

Devenu Cardinal, Federico revient des années plus tard au convent pour confesser et absoudre Benedetta qui, toujours emmurée, est à l’article de la mort. Il vit sa dernière nuit. Quand les maçons détruisent le mur, c’est une Benedetta nue, magnifique et pure qui sort de sa prison, alors que le cardinal est terrassé.

« Sang de mon sang » est un film déroutant, dans lequel les passerelles entre les deux histoires racontées sont subtilement évoquées, jamais décrites. À l’obscurité du tribunal d’inquisition répond celle du comité mafieux du comte vampire. La trouble beauté d’une serveuse de restaurant évoque celle de la « sorcière » torturée. Le Cardinal et le Comte meurent obsédés par la présence – absence d’une femme.

L’Italie d’aujourd’hui, avec ses côtés obscurs, est directement héritière de celle d’autrefois paralysée par la dictature religieuse. Entre les mafias et l’inquisition, c’est le sang de mon sang, transmis par la femme, objet de désir et relais d’une génération à l’autre.

Pier Giorgio Bellocchio, Federica Fracassi
Piergiorgio Bellochio dans le rôle de Federico Mai, avec « Marthe » et « Marie »

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