JusticeTélévision11 janvier 20170Une autre justice

La Chaîne Parlementaire a récemment diffusé un documentaire de Chloé Henry-Biabaud et Isabelle Vayron de la Moureyre sur la justice restaurative en Floride. Il était intitulé « une autre justice ».

La Floride est connue pour la sévérité de son système judiciaire, la fréquence des peines d’emprisonnement et la durée des peines infligées. En enquêtant sur les prisons de cet État, les réalisatrices ont découvert l’existence d’un mouvement vivace en faveur d’une autre justice, la justice restaurative.

Elles se sont intéressées à trois cas. Leonard Covens a assassiné la fille et le petit fils d’Agnes Furey. Il a été condamné à la prison à perpétuité. Agnes a cherché à comprendre ce qui l’avait animé à perpétrer ce crime. Elle a engagé avec Leonard une correspondance qui dure maintenant depuis onze ans. Agnes et Leonard ont cosigné un livre intitulé « Wildflowers in the Median, a restaurative journey into Healing, Justice and Joy » (fleurs sauvages au milieu du chemin, un voyage réparateur vers la guérison, la justice et la joie). Ils y racontent leur expérience.

Leonard Scovens

Pour Agnes, nul ne se réduit aux actes qu’il a commis. Leonard n’est pas « un criminel » ; c’est une personne qui, à un moment de sa vie, a commis un crime. Leonard de son côté, enfermé dès son enfance dans un cycle de violences, a découvert que le vrai amour existe. Bien qu’incarcéré à vie, il ressent une grande joie, un sentiment de libération.

Deux autres expériences sont relatées dans le film. Un jeune chauffard alcoolique tue au volant deux adolescentes. Le juge requiert 11 ans de détention pour chaque victime. Les familles interviennent auprès de lui pour qu’il confonde les peines. La mère d’une victime et le meurtrier de sa fille co-animent maintenant des séances de sensibilisation des lycéens aux dangers de l’alcool au volant.

Dans un moment de colère, Conor tue sa petite amie. Les parents de ceux-ci cherchent à comprendre ce qui s’est passé. Les parents de Conor s’impliquent eux-mêmes dans un travail de « justice restaurative », visant non pas à punir (Conor a été condamné à une peine de prison) mais à tenter de réduire le dommage causé. Le père de Conor se met en question : il est lui-même sujet à la colère, et il a inoculé ce poison à son fils.

On trouve dans ce reportage les ingrédients de la justice restaurative. La justice punitive ajoute de la souffrance à la souffrance et génère du désespoir ; une autre justice devrait s’attacher non seulement à châtier, mais aussi à réparer les dégâts sur les victimes ; cette autre justice devrait impliquer les infracteurs dans le travail de restauration de l’équilibre social ; elle devrait réunir, dans un même cercle, infracteurs, victimes et représentants de la communauté.

Agnes Furey, militante pour la justice restaurative

Agnes Furey évoque le refus de l’administration pénitentiaire de Floride de la laisser rencontrer Leonard. D’abord autorisée à organiser des cercles infracteurs – victimes – communauté dans une prison, son agrément a été retiré. La justice restaurative n’est pas encore une pratique généralement acceptée. Le procureur qui a accepté la confusion des peines infligées au chauffard alcoolique explique le risque qu’il encourt : si cela marche bien, il le considèrera comme un cadeau ; si le chauffard récidive, il sera comptable devant la société.

Les trois expériences de justice restaurative présentées dans le documentaire sont fortement teintées de sentiment religieux. Le but qui est recherché est le pardon de la victime à l’auteur du crime et, par la grâce du pardon, la réhabilitation du pécheur. Mais la justice restaurative s’accommode fort bien de la laïcité : ce n’est pas nécessairement le pardon qui est recherché ; l’objectif essentiel est la restauration de l’équilibre social perturbé par un acte violent.

La projection du documentaire de Chloé Henry-Biabaud et Isabelle Vayron de la Moureyre s’inscrivait dans le cadre de l’émission « droit de suite » animée par Jean-Pierre Gratien. Une table ronde la prolongeait avec l’une des réalisatrices, Georges Fenech, député PR, Elisabeth Pochon, députée PS et Stéphane Jacquot, coauteur du livre « prison, le choix de la raison », dont « transhumances » a rendu compte.

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