Livres12 février 20140W ou le souvenir d’enfance

Dans « W ou le souvenir d’enfance » (1975, l’Imaginaire Gallimard), Georges Perec intercale des souvenirs de son enfance, de sa naissance en 1936 à la Libération, à un récit imaginaire qui plante le décor terrifiant de la grande histoire.

 Georges Perec est né dans une famille juive polonaise immigrée en France. Son père meurt au front le jour de l’armistice, en juin 1940. Sa mère sera déportée à Drancy puis à Auschwitz en janvier 1943 et n’en reviendra pas. Lui-même est évacué vers la zone libre dans un train de la Croix Rouge en 1940 et vit jusqu’à la Libération entre Lans et Villard de Lans.

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Vers l’âge de 15 à 17 ans, le jeune Perec écrit une fiction. Sur une île proche de la Terre de Feu, W, une société s’est construite selon l’idéal olympique. Le sport et la compétition sont rois. Les habitants sont tous les sportifs ou des officiels du sport.

 D’un chapitre à l’autre, on découvre que c’est un véritable système concentrationnaire qui s’est construit. On fait semblant de donner à tous les mêmes chances de triompher. Mais en réalité, c’est le royaume de l’arbitraire, les règles changent à la discrétion des maîtres du régime, on encourage l’humiliation et le lynchage des vaincus, on érige le droit de violer des femmes en prix à gagner dans une compétition où tous les coups sont permis.

 Le livre se déroule selon deux lignes parallèles : l’enfance relativement paisible du jeune Georges au milieu d’oncles, de tantes et de cousins qui ne sont pas vraiment sa famille, avec des pans entiers de mémoire effacés. Et la gigantesque machine à broyer, à avilir et à anéantir mise en place dans l’île de W, parabole des camps de la mort nazi qui engloutiront Cyrla Schubvitz, la mère de Georges.

 Dans son approche de l’horreur nazie, Georges Perec se met à distance par le recours à la technique du conte, tout comme Primo Levi le faisait en adoptant le point de vue d’un scientifique racontant objectivement ce qu’il constatait. Tout comme Levi, Perec accumule les statistiques, énonce des règlements, décrit des procédures. Ce faisant, il tente de se protéger lui-même d’une réalité mortifère ; et il laisse chez le lecteur une empreinte ineffaçable.

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