Dans « Les Héritiers », la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar raconte l’histoire véridique d’une classe de seconde en banlieue qui trouve le goût d’apprendre en participant collectivement à un concours.
« Les Héritiers » est le titre d’un livre dans lequel le sociologue Pierre Bourdieu expliquait comment se reproduit la classe dirigeante. La classe de 2nde-8 du lycée Léon Blum de Créteil se situe aux antipodes des privilégiés. On y retrouve ceux qui n’ont pas trouvé de place ailleurs, que l’école dégoûte, qui vivent dans un perpétuel état de violence et de méfiance. Ils sont pour la plupart issus de l’immigration. Pour plusieurs se pose la question du voile et de la pratique de l’Islam.
Anne Gueguen (Ariane Ascaride) est professeure d’histoire. Elle n’entend pas se laisser gagner par la morosité ambiante. Inlassablement, elle fait respecter les consignes : pas de casquettes sur la tête, pas de chewing-gum dans la bouche, pas d’écouteurs dans les oreilles… Elle dit croire en ses élèves plus qu’ils croient en eux-mêmes.
Avec la responsable du centre de documentation, elle se lance dans un projet fou : inscrire sa classe de canards boiteux au concours national de la résistance et de la déportation. Le sujet porte sur les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi. Les débuts sont difficiles. Le proviseur lui-même s’inquiète d’un thème qui risque de créer des divisions dans l’établissement, sur fond de conflit israélo-palestinien. Les élèves ne savent pas comment s’y prendre, ne sont pas habitués à travailler collectivement.
Pourtant, les enfants et les adolescents exterminés prennent corps. Le mémorial de la déportation à Paris leur donne un nom et un visage ; le témoignage poignant de Léon Zyguel, ancien déporté, les rend présents, et aussi atrocement absents. Un jeune s’étrangle d’émotion en découvrant que « cet enfoiré de Laval » avait demandé aux Allemands d’emmener aussi les enfants, alors que leurs parents avaient été déjà déportés, gazés et brûlés.
Anne Geguen gagne son pari. Sa classe maudite remporte le premier prix au concours. Une de ses élèves, qui était réfractaire à la lecture au début de l’année scolaire, lit avec passion le serment de Buchenwald par lequel les survivants, dont Léon Zyguel, promettaient de témoigner. Ce faisant, elle se proclame leur « héritière » spirituelle.
« Les Héritiers » est un beau film, émouvant, qui parle du tissu social dégradé que l’on observe dans tant d’établissement scolaires (pour ne pas parler des prisons…). Mais c’est aussi un film résolument optimiste : la foi peut transporter des montagnes !
Dans le rôle d’Anne Gueguen, Ariane Ascaride est magnifique : petite, fragile, le visage encadré de drôles de cheveux et centré sur de drôles de lunettes ; mais patiente, convaincante, charismatique. Le scénario a été coécrit par la réalisatrice avec Ahmed Drame, qui était l’un des élèves de la classe qui a inspiré le film.
Une réflexion sur « Les Héritiers »