« Dedans Dehors », la revue de l’Observatoire International des Prisons, a consacré dans son numéro d’octobre un passionnant dossier intitulé « décroissance carcérale, ces pays qui ferment les prisons ».
« Transhumances » est souvent revenu sur la question de la surpopulation carcérale. Il est remarquable qu’en France la construction de nouvelles prisons fasse l’objet d’un consensus entre droite et gauche alors que les effets nocifs de l’incarcération sont largement reconnus, que son coût est exorbitant et que de nombreux pays tournent le dos à l’emprisonnement de masse.
En France, le gouvernement considère comme normatif le taux de détention de 100 détenus pour 100.000 habitants. Mais d’où vient une telle norme ? L’Irlande est parvenue à réduire de près de vingt points son taux de détention en six ans et compte moins de 80 détenus pour 100.000 habitants au 1er août 2016.
La Finlande comptait 150 détenus pour 100.000 habitants en 1960. Le taux est maintenant de 55/100 000, grâce à une politique volontariste de réduction de la capacité carcérale. En Suède, le taux d’incarcération est passé de 79/100.000 en 2006 à 60/100.000 en 2014.
Les Pays-Bas en trompe-l’œil
Le dossier de l’OIP est particulièrement intéressant parce qu’il ne se laisse pas abuser par les faux-semblants. Ainsi écorne-t-il l’image des Pays-Bas, « le pays où les prisons ferment ». Un article de Laure Anelli décrit « une décroissance en trompe-l’œil ». La journaliste explique qu’il n’y a pas de politique « réductionniste » aux Pays-Bas. La réduction du nombre de prisonniers s’expliquerait en partie par la remise en liberté, sur injonction de l’Union Européenne, de sans-papiers jusque là incarcérés, et par la disparition des statistiques carcérales des personnes détenues en hôpital psychiatrique.
Il est pourtant vrai que l’on incarcère moins aux Pays-Bas, mais c’est dans une logique d’abaissement des coûts. « Le conseil des ministres néerlandais annonçait en avril 2013 vouloir réaliser 340 millions d’euros d’économie sur le budget des prisons et réduire le nombre de places de 12.595 à 10.197 d’ici 2018. Une mesure pour le moins populiste a même été adoptée, avant d’être retirée par le gouvernement en février dernier : elle obligeait les détenus à participer aux frais de leur détention, à raison de 6 euros par nuit passée en prison. Et alors que le gouvernement français ne parvient toujours pas à garantir l’encellulement individuel, le gouvernement des Pays-Bas, qui le respectait jusque là, annonçait y renoncer en avril 2013, déclarant que les détenus allaient désormais plus souvent partager leur cellule. »
L’enthousiasme de « transhumances » pour la politique présumée libérale des Pays-Bas en matière carcérale doit donc être revu à la baisse. En revanche, « Dedans Dehors » consacre un article encourageant sur les États-Unis, signé par Cécile Mancel et intitulé « la volte-face ? »
Une vraie décroissance aux Etats-Unis
Rappelons que le taux de détention aux États-Unis est passé de 161/100.000 en 1972 à la valeur extravagante de 767/100.000 en 2007. « Depuis 2008, écrit la journaliste, le taux de détention aux États-Unis est passé progressivement de 755 à 693 détenus pour 100.000 habitants. Sur les 50 États du pays, 28 ont réduit leur population pénale, pour certains dans des proportions importantes, frôlant ou dépassant les 20%. 27 d’entre eux ont, dans le même temps, connu une baisse de leur taux de criminalité. »
« Transhumances » a évoqué la baisse de la population des prisons fédérales, tout en indiquant que celles-ci n’accueillent que 10% des prisonniers environ. Les autres détenus sont, pour 30%, incarcérés dans les prisons des comtés, et 57% dans les prisons des États. Le mouvement de décroissance de la population carcérale touche donc aussi les États, la Californie faisant figure de pionnière en ce domaine.
Ce mouvement va-t-il se poursuivre malgré par le virage à l’ultra-droite prise par la politique américaine avec l’élection de Donald Trump ? C’est possible, à la fois pour des raisons budgétaires (l’emprisonnement coûte cher) et pour des raisons religieuses : « l’idée d’une dernière chance, d’une possible rédemption, résonne tout particulièrement chez une partie de l’électorat conservateur assez religieuse »