EspagneLivres12 novembre 20131Los Enamoramientos

Le dernier roman de Javier Marías, « Los Enamoramientos », a été traduit en français sous le titre de « Comme les amours ». En réalité, c’est plutôt des morts qu’il nous parle, et de leur difficile coexistence avec les vivants.

 Javier Marías souligne que l’espagnol comme l’italien ont un mot pour signifier « tomber amoureux », alors que ce mot fait défaut en français ou en anglais, par exemple. On pourrait s’attendre à ce que son roman raconte le processus, lent ou foudroyant, qui amène une personne à aimer une autre personne et à devenir conscient de cet amour.

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Il y a bien des « enamoramientos » dans le roman. María tombe amoureuse de Javier (raconte Javier Marías !) mais Javier ne la considère que comme une agréable distraction. C’est de Luisa qu’il est amoureux, depuis longtemps. Le problème est que Luisa est mariée avec son meilleur ami et qu’ils filent le parfait amour.

 Le mari de Luisa est sauvagement assassiné par un sans-abri. María surprend par indiscrétion une conversation de Javier qui lui révèle que c’est lui qui a commandité cet homicide. La conclusion est claire : Javier, fou amoureux de Luisa, a assassiné le mari de celle-ci pour avoir le champ libre et faire sa conquête. Javier contrattaque. Il a bien organisé le meurtre de son ami, mais à la demande de celui-ci, qui était atteint d’un cancer en phase terminale et préférait mourir soudainement plutôt que dans la souffrance et la déchéance.

 Que va faire María de cette révélation ? Dénoncer le commanditaire à la police, pour que celle-ci enquête ? Informer Luisa de ce qu’elle sait de celui qui remplace son mari à ses côtés, d’abord comme soutien dans le deuil, puis comme nouvel amour ? Tenter d’oublier ce qu’elle sait, et laisser la vie poursuivre son cours ?

 Le roman de Javier Marías tourne autour de la place que les morts occupent auprès des vivants. Il cite une nouvelle de Balzac, le Colonel Chabert, dans laquelle un soldat laissé pour mort à la bataille d’Eylau revient au village et réclame l’affection de sa femme et la dévolution de ses biens. La pire souffrance que les morts puissent infliger aux vivants, dit Marías, c’est de revenir sur terre. Il est mieux pour eux, et pour les vivants, que l’oubli fasse peu à peu son œuvre.

 Il y a peu d’action dans « enamoramientos ». Le récit est centré sur des dialogues, en particulier celui dans lequel Javier tente de justifier auprès de Luisa son rôle dans l’assassinat de son ami, le mari de celle-ci. Le lecteur se trouve presque en temps réel, en suivant pas à pas tous les détours psychologiques par lesquels passent les protagonistes avant de choisir, réplique après réplique, la tactique et la stratégie qui leur semble les mieux adaptées pour atteindre l’objectif qu’ils se sont fixés, pour satisfaire leur curiosité ou tout simplement se protéger.

 J’avais lu deux autres romans de Marías, « un corazón tan blanco » et « todas las almas ». J’ai regretté dans « enamoramientos » que l’humour soit moins prégnant que dans ceux-là. Il reste que c’est une bonne fiction, d’une grande profondeur psychologique.

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