Art21 janvier 20130Hiroshige, l’art du voyage

La Pinacothèque de Paris présente jusqu’au 27 mars une remarquable exposition consacrée à l’artiste japonais Ando Hiroshige (1797 – 1858), dont l’œuvre a influencé de nombreux peintres occidentaux à la fin du dix-neuvième siècle.

 Visiter l’exposition requiert un effort : les estampes présentées sont de petite taille et sont peu éclairées. On ne trouve pas ici l’éblouissement ressenti en parcourant les salles lorsque les œuvres sont de grande taille. Ici l’espace est caverneux et il faut trouver une place dans la foule et se pencher sur chacune des pièces. Mais cela vaut la peine. La magie joue dès le premier moment.

 Les estampes d’Hiroshige dépeignent des paysages d’Edo (aujourd’hui Tokyo) ou des scènes observées sur les deux routes menant de Kyoto, la ville impériale, à Edo, la ville du gouvernement : Tôkaidô (1833 – 1834) et Kisokaidô (à partir de 1839). Les deux villes sont distantes d’environ 500km, et il fallait une vingtaine de jours pour effectuer le voyage. Des dizaines de relais marquaient ce parcours, où l’on trouvait des auberges, des boutiques, des temples. Les riches voyageaient à cheval et descendaient dans des hôtels de bon standing ; les pauvres marchaient à pied, s’achetaient chaque jour les sandales de paille qui leur permettraient de parcourir d’étape suivante et descendaient dans des auberges de bas niveau.

 Hiroshige tient de véritables carnets de voyage. Il décrit les voyageurs surpris par le vent ou par la pluie, les aubergistes essayant d’attirer les clients, des processions religieuses, les dîners pris à l’auberge, des voyageurs allumant leurs pipes. Le dessin est fin, précis, souvent drôle.

 Je me suis demandé ce qui rendait les estampes d’Hiroshige aussi immédiatement reconnaissables comme « japonaises ». Je crois que c’est le contraste entre le sujet du tableau, très minutieusement peint, et l’arrière plan, traité comme s’il s’agissait d’une surface plane sans aspérité, qui constitue leur marque de fabrique. Lorsqu’ils s’effacent devant un monument ou un groupe humain, mer, terre et ciel sont traités comme s’il n’existait pas de dénivelé, de vagues ou de nuages ; lorsqu’ils deviennent le sujet même de l’œuvre, ils sont décrits avec un luxe de détail.

 Hiroshige a profondément influencé les peintres européens de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, et la Pinacothèque présente en parallèle une exposition intitulée « Van Gogh, rêves de Japon ». Son œuvre reste, aujourd’hui encore, fascinante.

 A noter que le numéro hors-série de la revue Connaissance des Arts consacrée à « Hiroshige, l’art du voyage » est splendide.

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