La vie à l’envers

Dans le cadre de la journée contre la maladie d’Alzheimer, France 2 a diffusé récemment un beau téléfilm d’Anne Giafferi : « la vie à l’envers ».

Nina (Marthe Keller) est une belle femme de 68 ans, veuve mais très entourée par ses trois filles Odile (Pascale Arbillot), Claire (Isabelle Carré) et Julie (Barbara Schulz). Lorsque, pendant des vacances à Étretat, elle part à la nage et échoue sur une plage qu’elle ne reconnait pas, quelque chose se fissure. De retour à Paris, son comportement est de plus en plus bizarre. Les tests prouvent qu’elle a contracté la maladie d’Alzheimer

Il faut persuader Nina d’accepter une aide de vie alors que, selon elle, « elle n’est pas folle ». Il faut recruter cette personne et négocier les conditions. Il faut mettre en place une autre aide de vie pour la nuit. Il faut se relayer lorsque Corinne et Aïcha sont de repos.

LA VIE A L'ENVERS

Et puis, à un certain moment, il faut envisager de placer Nina dans une maison de retraite spécialisée. Pour Claire et Julie, c’est devenu une évidence. Pour Odile, placer sa mère « dans un mouroir » est une idée insupportable ; son obstination menace de ruiner le couple qu’elle forme avec son mari Stéphane (Guillaume Le Torquédec).

« La vie à l’envers » est un beau film, qui décrit bien les différentes phases de la maladie : le déni, la révolte pouvant aller jusqu’à la violence, les moments d’effusion affective, et puis finalement l’oubli et, comme le disait Isabelle Carré lors du débat qui suivit la projection, l’oubli de l’oubli.

Il vaut aussi pour la mise en scène de l’impact de la maladie sur la vie des « aidants ». Claire se remet difficilement de son divorce, souffre d’un complexe d’infériorité et, devant sa psychanalyste, s’estime conditionnée par son prénom : Claire = transparente. Julie vit un amour impossible avec un homme marié, avocat comme elle-même. Lorsqu’un enfant nait de leur union, elle hésite à se faire avorter. Odile est déchirée entre deux fidélités, à sa mère et à son mari.

LA VIE A L'ENVERS

Anne Giafferi a su éviter le pathos. Il y a de vrais moments drôles dans le film. Les filles sont effarées lorsque la gardienne de l’immeuble leur apprend que leur mère parle de fellation à la voisine du dessous. Lorsque dans son délire Nina affirme que son mari est encore vivant, l’une des filles se réjouit qu’il y ait au moins une bonne nouvelle !

Le film se réfère à d’autres œuvres traitant de la vieillesse et de la sénilité. Dans « se souvenir des belles choses » de Zabou Breitman (2003), Isabelle Carré jouait déjà le rôle d’une femme nommée Claire, mais c’est elle qui était victime d’un Alzheimer précoce. Dans « les souvenirs » de Jean-Paul Rouve (2014), Annie Cordy était une femme âgée que ses enfants s’employaient en maison de retraite et que son petit-fils accompagnait dans une fugue à Étretat.

Il y a 850.000 patients atteints de la maladie d’Alzheimer en France, et 600 cas nouveaux par jour. C’est dire qu’il y a là une urgence sanitaire, mais aussi une urgence culturelle : il faut nous habituer à vivre le mieux possible environnés – ou atteints – par cette terrible infirmité. Le film d’Anne Giafferi y contribue. Je signale aussi le magnifique témoignage d’Andrea Gillies, « Keeper« , dont « transhumances » avait fait une recension en 2010.

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