Société20 janvier 20130Le médecin généraliste face aux malades de l’Alzheimer

Face aux patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, les médecins généralistes se trouvent souvent désarmés, comme accablés par le poids des représentations dépréciatives. Ils ont pourtant un rôle actif et positif à jouer.

 J’ai eu l’occasion d’assister à Paris à la soutenance de thèse de docteur en médecine de mon filleul Loïc Tirmarche. Outre la fierté d’assister à son succès, l’émotion ressentie à la prestation du serment d’Hippocrate et le plaisir de partager un café et un croissant dans un café du boulevard de l’Hôpital, j’ai trouvé intéressante la présentation de sa thèse et stimulante la discussion qui la suivit avec le jury.

 Le sujet de la thèse était “La représentation de la maladie d’Alzheimer par les internes de médecine générale, impact du stage ambulatoire de niveau 1″ En d’autre termes : le stage pratique chez un praticien change-t-il la perception d’un interne en médecine générale sur la maladie d’Alzheimer ?

 Les termes associés à la maladie dans l’opinion générale sont péjoratifs et souvent dépréciatifs : maladie honteuse, mort psychique, pathologie incurable et irréversible, fardeau pour les proches… La maladie est comme un rat qui grignote la conscience ; le malade, comme un poisson rouge qui, le temps de faire le tour du bocal, a oublié qu’il est déjà passé par là. Les internes en médecine sont, comme tout le monde, imprégnés par ces représentations négatives ; parfois, comme tout le monde, ils sont confrontés à la démence de personnes qui leur sont proches. Le stage pratique de 6 mois inclus dans leur cursus ne change pas vraiment leur perception, tant les idées communes sont profondément ancrées.

 L’image écrasante de l’Alzheimer tient en partie au fait que la maladie est en général associée à la vieillesse, qui est un état irréversible et incurable. Mais vieillir est une chance, souligne un membre du jury, une chance dont nombre de personnes décédées d’une maladie ou d’un accident dans la fleur de l’âge auraient rêvé ! Et s’il est vrai qu’il n’existe pas de cure vraiment efficace contre l’Alzheimer – comme contre la vieillesse ! –  certains médicaments ont un effet positif sur certaines personnes : entre une efficacité nulle et une efficacité faible, il y  a plus qu’une nuance.

 Face aux malades de l’Alzheimer comme à leurs familles, le médecin généraliste doit admettre que la maladie et la mort auront finalement le dessus, accepter la vulnérabilité du patient et sa propre faillibilité, se placer dans la position de celui qui accompagne et aide l’autre à exister. Plus qu’un prescripteur de médicaments, c’est un communiquant, qui doit trouver « la bonne proximité » (et non « la bonne distance ») avec ses patients. Mais pour autant, le médecin doit aussi se placer en position de combat. Mettre un nom sur la maladie, c’est déjà l’objectiver, la tenir en lisière. Annoncer à une personne qu’elle doit désormais vivre avec elle est certes une mauvaise nouvelle, mais il faut lui dire que des traitements existent, certes imparfaits, qu’une bataille commence et que le médecin se tiendra à ses côtés.

 Le médecin est celui qui diagnostique le mal, de manière aussi précoce que possible, celui qui administre un traitement, et celui qui accompagne non seulement le patient mais ses proches, qui constituent son environnement naturel.

Photo : Emmanuelle Riva dans le rôle d’une patiente d’Alzheimer dans le film de Mickael Haneke Amour, avec Jean-Louis Trintignant.

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