Arte TV a récemment diffusé « L’effet aquatique », film de Sólveig Anspach, sorti sur les écrans en 2016 un an après son décès et achevé par son coscénariste, Jean-Luc Gaget.
Samir (Samir Guesmi), un ouvrier de Montreuil, tombe « raide dingue » amoureux d’Agathe (Florence Loiret-Caille), maître nageuse à la piscine municipale Maurice Thorez. Il a une cinquantaine d’années et le visage d’un enfant un peu perdu dans le monde. Elle a une quarantaine d’années et n’entend pas qu’un homme vienne ravager sa vie.
Samir prétend ne pas savoir nager afin de partager des moments aquatiques avec Agathe. Mais lorsqu’une invitée clandestine de Reboute (Philippe Rebbot) manque de se noyer dans le grand bain, il la sauve. Or, s’il est une chose qu’Agathe ne supporte pas, c’est le mensonge.
Agathe s’envole pour l’Islande participer à un congrès international de maîtres-nageurs. Qu’à cela ne tienne : Samir s’y inscrit comme représentant d’Israël. Agathe fait son possible pour échapper à cet homme fou, fou d’amour. Mais elle-même, encouragée par son amie islandaise Anna (Didda Jonsdottir), doit regarder la réalité en face : elle-même a eu le coup de foudre.
Les réalisateurs parlaient ainsi de leur film : « Il se passe dans une piscine et nous parle du trouble qu’on peut ressentir dans ces endroits « aquatiques ». C’est ce trouble très spécifique que nous avons voulu explorer ici. Car une piscine est un lieu très particulier, apparemment hors du temps, qui met en présence des populations diverses aux motivations parfois énigmatiques. Moiteur libidinale, humidité pénétrante, sols glissants, torpeur indicible, rituels immuables, la piscine a sur certains des effets insolites. On y vient principalement pour nager, c’est une idée répandue, mais on y croise aussi d’autres desseins plus inavouables. Une piscine est un lieu hautement démocratique car les signes d’appartenances sociales ou religieuses ont disparu sous les maillots de bain moulants. Elle n’en reste pas moins un endroit où les luttes de pouvoir s’expriment sans fards, et où le monde moderne émet un écho singulier. En suivant nos deux personnages et leur quête éperdument amoureuse, nous voulions aussi brosser le portrait d’une tribu étrange, familière et souvent cocasse, celles des maîtres-nageurs. »
« L’effet aquatique » est un film amusant, attendrissant, optimiste. Les corps à corps dans le bassin d’une piscine municipale de banlieue parisienne, puis dans un lac volcanique islandais, sont empreints d’une grande poésie. Les personnages déjantés que croisent Agathe et Samir et la critique de l’hygiénisme quasi pénitentiaire des maîtres-nageurs islandais sont franchement drôles. J’avais aimé « Lulu femme nue », un autre film de Sólveig Anspach, lui aussi revigorant. « L’effet aquatique », tourné entre Montreuil, sa ville d’adoption, et l’Islande, sa patrie d’origine, sonne comme un testament. Il nous fait regretter que sa vie et sa carrière se soient arrêtées à l’âge de 54 ans, nous privant certainement d’autres moments de bonheur.
Le film a obtenu le César 2017 du meilleur scénario.