JusticeTélévision11 mai 20130Les jurés face au doute

France 2 vient de diffuser un reportage intitulé « les jurés face au doute » dans la série des documentaires Infrarouge consacrée aux problèmes de société. Réalisé par Sarah Lebas et Eléonore Manéglier Dessenne, ce film illustre la responsabilité écrasante qui repose sur les épaules de citoyens ordinaires qui doivent décider du sort d’autres citoyens.

 Au Palais de Justice de Troyes, un jour d’été, se déroule le procès d’un homme accusé d’un viol qui aurait été commis cinq ans plus tôt. Il comparait libre. A ses côtés un avocat, convaincu de son innocence. Face à lui, la victime, une jeune femme émotive, épaulée par son avocate et une amie ; le procureur, un homme jeune, déterminé à obtenir la condamnation ; et la Cour, son président, deux assesseurs et huit jurés tirés au sort.

 Les réalisatrices n’ont pas été autorisées à filmer les débats en séance ni la délibération des jurés. Cette interdiction donne plus de force au documentaire : on échappe au protocole, et d’une interruption de séance à l’autre on s’attache à ce qui se passe vraiment dans la tête et le cœur des protagonistes. Les ongles rongés de l’accusé, qui clame son innocence depuis cinq ans et est menacé de six ans de prison. L’épuisement de la plaignante, obstinée et déchirée dans son combat pour obtenir justice, bouleversée d’avoir face à elle au tribunal pour la première fois depuis cinq ans l’homme qui l’accuse. La cigarette fumée ensemble par l’accusé et son avocat sur le perron du Palais de Justice et le jeu délicat de l’avocat partagé entre le désir de soutenir le moral de son client et de le préparer au pire, son incarcération au second soir du procès. Et le doute des jurés.

 Dans cette affaire, il n’y a ni preuve matérielle ni témoins. Il n’y a que la parole de l’accusé contre celle de la plaignante, et aussi les rapports d’experts psychiatriques. Deux vérités s’affrontent : pour l’accusé, une relation sexuelle consentie ; pour la plaignante, un viol. Ce qui s’est passé se situe probablement dans la zone grise : une conversation un matin de déprime sur le chemin du travail, un jeu de séduction, la contrainte dans une entrée de parking. Mais la Cour d’Assises ne connait pas de zones grises. Les jurés doivent forger leur intime conviction et reconnaître l’accusé innocent ou coupable. S’ils le déclarent coupable, il sera immédiatement transféré à la maison d’arrêt, il perdra son travail et des années de sa vie.

 Le documentaire restitue bien l’atmosphère dramatique du procès en assises, l’affrontement organisé de parties qui ont des finalités antagonistes, l’angoisse des accusés et des plaignants et, surtout, le doute qui tenaille les jurés.

Commenter cet article

Votre email ne sera pas publié.