CinémaJusticeTélévision18 mars 20180Matons violents, la loi du silence

La Chaîne Parlementaire a récemment diffusé un documentaire de Laurence Delleur : « Matons violents, la loi du silence ».

On sait qu’environ 4 000 actes de violence de détenus contre des surveillants sont répertoriés chaque année, et environ 8 000 actes de violence entre détenus. Les actes de violence de surveillants contre des détenus ne font pas l’objet d’un enregistrement.

On sait pourtant que si le respect de la personne détenue fait l’objet d’un code de déontologie et de formations aux pratiques professionnelles, une minorité de surveillants abusent de leur position dominante dans l’institution carcérale.

Dessin de Laurent Jacqua

Une partie du film est consacrée à des témoignages d’anciens détenus qui ont fait l’objet de passages à tabac, avec parfois des dégâts irréparables. On parle aussi de détenus enfermés quasi-nus dans une cellule disciplinaire non chauffée en hiver. On évoque un transfert musclé, à cinq heures du matin, d’un détenu qui se trouve ligoté dans son lit et transporté ficelé comme un paquet.

Un ancien surveillant, Éric Tino, raconte le calvaire qu’il a subi pour avoir dénoncé les actes de violence de collègues au centre pénitentiaire de Liancourt, dans l’Oise. Considéré comme une balance, comme un traître, il a dû finalement démissionner de la Pénitentiaire. Son principal motif de scandale est que les collègues violents ont bien été condamnés à de la prison avec sursis, mais que leur condamnation n’a pas été portée à leur casier judiciaire. Ceci leur a permis non seulement de conserver leur poste, mais d’être ultérieurement promus.

La réalisatrice Laurence Delleur parle d’omerta. Pourquoi la loi du silence ? Elle s’explique en premier lieu par la camaraderie qui se forge entre les surveillants dans un contexte difficile parfois générateur d’insécurité : il est difficile de dénoncer un camarade. Du côté des directions d’établissement, qui essaient de gérer une pénurie chronique de personnel, se priver de surveillants en raison de leur comportement est un choix difficile ; c’est d’autant plus vrai que les syndicats veillent et que les épidémies de congés maladie peuvent se propager. Enfin, il faut compter avec les murs : les prisons ne sont pas des maisons de verre, ce qui se passe à l’intérieur est opaque.

Eric Tino exhibe sa carte de surveillant

La cinéaste s’est rendue à la prison de Fleury-Mérogis en compagnie de Noël Mamère, alors député. Celui-ci a interrogé la directrice sur la raison pour laquelle de nombreuses plaintes pour sévices n’avaient pas abouti. Son explication emberlificotée sur les pratiques professionnelles pas toujours conformes en disaient long sur son embarras.

La projection du film était suivie par un débat animé par Jean-Pierre Gratien, avec la réalisatrice Laurence Delleur, le député Nouvelle-Gauche Joaquim Pueyo, ancien directeur de prison, la toute jeune députée La République en marche Caroline Abadie et un ancien détenu, Laurent Jacqua, qui avait réalisé pour le film des dessins illustrant des cas de maltraitance. Les deux députés coprésident un groupe parlementaire d’études sur les prisons et les conditions carcérales.

Adeline Hazan, Contrôleure des lieux de privation de liberté et son prédécesseur à ce poste Jean-Claude Delarue ont rappelé que la peine de prison consistait en la privation du droit d’aller et venir, et que les prisonniers doivent, à tout moment et par tous, être considérés comme des citoyens.

Laurent Jacqua au dessin

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