Stéphane Jacquot, qui fut secrétaire général de l’UMP de 2010 à 2014 et Dominique Raimbourg, député socialiste et président de la Commission des lois.
Dans sa préface, Robert Badinter salue cette approche bipartisane. « Au regard du débat politique, on croit rêver. Il existerait donc en matière de justice pénale une conception qui pourrait transcender les oppositions de principe et dessiner un projet dans l’intérêt général qui ne peut être que celui de la République tout entière et non pas celui d’un parti dominant pour le temps d’un quinquennat. »
En vérité, peu de pages de ce livre ont été réellement co-écrites. Les auteurs se sont partagés la tâche. Dominique Raimbourg plaide en faveur d’une « culture du contrôle en parallèle de celle de l’enfermement. » Stéphane Jacquot met les victimes au cœur de sa réflexion et souhaite le développement de la « justice réparatrice ».
Pour une « culture du contrôle »
Le mérite de Dominique Raimbourg est d’avoir situé la prison comme un maillon, le maillon ultime, de la chaîne pénale police–justice–pénitentiaire. Il considère que cette chaîne dysfonctionne en France. Elle n’apporte pas de réponse sociétale satisfaisante aux transgressions. La raison essentielle est qu’elle supporte une charge de travail accrue, sans que ses moyens aient été augmentés en proportion. En amont, le taux de réponse judiciaire aux transgressions est passé en vingt ans de 50% à 90% ; en aval, le recours plus fréquent à l’emprisonnement, l’allongement des peines et l’incarcération plus fréquente de malades mentaux conduit à une surpopulation carcérale devenue insupportable.
Il constate que la prison est aujourd’hui la peine de référence. On connait pourtant ses effets pervers : la désocialisation provoquée par les courtes peines, l’inaptitude à la réinsertion causée par les peines trop longues. Dominique Raimbourg voudrait que se développe une « culture du contrôle ». Il s’agirait de convaincre l’opinion publique de ce qu’une peine effectuée en milieu ouvert est une vraie peine, avec des obligations contraignantes et des interdictions à respecter scrupuleusement.
C’est un enjeu de communication. C’est aussi une question de crédibilité. L’auteur donne l’exemple de la contrainte pénale et de la libération sous contrainte : actuellement, la police n’a pas connaissance des obligations et des interdictions imposées par le juge. Ces mesures seront perçues comme de vraies sanctions si elles sont portées au fichier des personnes recherchées.
Vers une justice réparatrice
Stéphane Jacquot, de son côté, présente une série de propositions pour « renforcer notre justice pénale, moderniser l’administration pénitentiaire et revaloriser ses personnels. »
Un chapitre est consacré à la justice restauratrice, « une conception de la justice orientée vers la réparation des dommages causés par un acte, qu’il soit criminel ou délictuel ». Les mots-clés sont « prise de conscience » du dommage causé, « réparation » de ce dommage et « apaisement ». L’auteur a fondé en 2012 l’Association Nationale de la Justice Réparatrice (ANJR), mais il semble que cette association n’ait pas actuellement d’existence effective.
En conclusion de l’ouvrage, les auteurs formulent ensemble trois objectifs : réduire les délais de jugement, supprimer la surpopulation carcérale et conférer aux peines effectuées hors les murs le statut symbolique qui s’attache à l’incarcération.
« La prison, le choix de la raison » est un livre intéressant par les arguments qu’il développe et les nombreux chiffres qui les étayent. Mais il semble difficile d’y voir la base d’un consensus entre droite et gauche. Stéphane Jacquot défend la « loi Taubira » d’août 2014 qui instituait la contrainte pénale et la libération sous contrainte, alors que celle-ci avait été qualifiée de laxiste par l’opposition de droite. À l’approche des échéances électorales de 2017, le consensus semble plus se faire sur la construction de nouvelles places de prison que sur le choix raisonnable de mesures alternatives à la prison.
Jacquot et Raimbourg prêchent dans le désert. Mais il est possible que le tumulte sécuritaire actuel rende leur prise de parole plus nécessaire que jamais.
Une réflexion sur « Prison, le choix de la raison »