ActualitéSociété10 janvier 20112Le principe de rédemption

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Qu’est-ce qui nous fait considérer la loi du « œil pour œil dent pour dent » comme barbare ? Un cas judiciaire récent en Iran nous amène à nous poser la question.

Dans The Guardian du 30 décembre on lit l’information suivante : « Un Iranien reconnu coupable d’une agression à l’acide a été condamné à perdre un œil et une oreille. L’homme, identifié seulement comme Hamid, a aussi été condamné à payer le prix du sang après avoir été déclaré coupable de l’agression commise en 2005, selon l’agence iranienne Fars. »

Qu’est-ce qui m’a fait hérisser le poil à la lecture de cette dépêche noyée au milieu de dizaines d’informations plus considérables ?

L’horreur que j’éprouve tient certainement au fait que je ne considère pas l’œil comme un organe parmi d’autres. Je dirais volontiers d’un être cher que « j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux ». J’accepterais de bon gré une opération chirurgicale sur n’importe quelle partie de mon corps. Le jour où je devrais être opéré de la cataracte, je m’obligerais à un travail en profondeur sur les ressorts de cette phobie.

Mais Hamid aurait aussi pu être condamné à l’amputation d’une main ou d’un pied. C’est l’irréversibilité de la peine qui pose problème. Il y a d’abord le risque de l’erreur judiciaire, au cœur du débat sur la peine de mort aux Etats-Unis. Mais il y a aussi une question éthique, qui se joue autour du concept de rédemption. Quelqu’un qui a commis une faute, aussi lourde soit-elle, doit payer pour cette faute mais doit aussi se voir reconnaître le droit de se racheter. Exécuter ou amputer un criminel, c’est considérer que sa faute est inexpiable, que sa vie doit s’arrêter ou s’estropier à jamais.

Nos sociétés occidentales sont loin de parvenir à inscrire le principe de rédemption dans les faits. Leur système pénitentiaire châtie mieux qu’il ne réinsère. Mais le cadre éthique de référence est bien la croyance dans le fait qu’aucun humain n’est si radicalement vicié qu’il ne puisse jamais s’amender. C’est exactement à l’opposé de la philosophie de « l’oeil pour oeil ».

Illustration : « la traversée du Styx » par Joachim Patinir, Musée du Prado, Madrid

2 comments

  • Xavier Denecker

    10 janvier 2011 at 23h03

    Merci Benoît. Tu touches un point important, la justice à rendre aux victimes. Mais comme tu le dis, prendre un oeil ou leur vie à leurs bourreaux ne leur rendent ni la vue, ni la vie. J’ajouterais un point de fond : si la société se contente de répliquer les actes dont les criminels se rendent coupables, comment se comporte-t-elle ?

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  • Benoît CLAIRE

    10 janvier 2011 at 19h39

    Sans vouloir paraître soutenir les tenants du « oeil pour oeil… », je te ferais (respectueusement) remarquer, Xavier, que tu oublies, ou, tout au moins, tu passes sous silence la victime!
    Tu ne raisonnes « que »: le délinquant versus la société. Sorry, il y a la victime.
    Si la vicime a, par exemple, perdu un oeil du fait du délinquant, c’est aussi un dommage irréversible!
    Et c’est dans ce contexte que s’inscrit le principe « oeil pour oeil ».
    Cela étant, le fait de neutraliser un oeil du délinquant ne rendra pas le sien à la victime; c’est là où le raisonnement pèche.

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