L’un des aspects les plus marquants de la récente élection européenne, c’est l’amplitude des changements d’un scrutin à l’autre et l’apparition, dans quelques pays, de météores politiques.
Beaucoup a été dit sur la récente élection européenne : le taux d’abstention record, la montée de l’euroscepticisme, l’exaspération de l’électorat populaire confronté à la précarité et à la perte de pouvoir d’achat, la perte de crédibilité des partis de gouvernement. Le vaisseau européen tangue.
Un aspect frappant est la volatilité de l’électorat entre 2009 et 2014 et l’amplitude des mouvements. En France, le Front National gagne 18 points d’un scrutin à l’autre, en Grande Bretagne, le parti pour l’indépendance de la Grande Bretagne (UKIP) en gagne 11. En Italie, le Parti des Libertés perd près de 20 points ; c’est plus de 15 points que le Parti Populaire et le PSOE perdent en Espagne. Certes, le scrutin européen, fondé sur la représentation proportionnelle, n’encourage pas le vote utile. Il reste que nous assistons à un véritable tsunami dans l’opinion publique.
En France et en Grande Bretagne, cette vague a porté à la première place deux partis déjà consolidés, le Front National et l’UKIP, chacun remportant un quart des suffrages exprimés. En Italie et en Espagne, c’est l’apparition de mouvements politiques spontanés qui retient l’attention.
Né quatre mois avant l’élection européenne, Podemos (« nous pouvons ») a remporté près de 8% des suffrages et cinq sièges au Parlement. Il s’agit de l’expression politique du mouvement des indignés, qui avait occupé la Puerta del Sol à Madrid le 15 mai 2011. En Italie, le Mouvement Cinq Etoiles de l’humoriste Grillo, apparu l’an dernier, est certes en recul, mais représente encore un électeur sur cinq. Podemos et le Mouvement Cinq Etoiles ont en commun la détestation de la classe politique et la foi en une démocratie immédiate supposée rendue possible par les réseaux sociaux.
La volatilité de l’opinion publique et l’apparition de météores politiques dénotent la profondeur du désarroi des électeurs, mais aussi l’émergence d’une conception du politique comme phénomène instantané, sans médiation ni profondeur temporelle.
Le temps est une dimension essentielle de l’action politique. Un politicien est sans cesse tiraillé entre le court terme (ce qu’il faut faire pour se présenter en bonne position à l’élection prochaine) et le long terme (ce qu’il faut faire pour laisser son nom dans l’histoire). Les leaders émergent peu à peu d’une succession de victoires et de défaites, de succès et d’erreurs. Leur histoire personnelle et leur implication dans l’histoire collective, c’est ce qui les accrédite auprès des électeurs.
Les observateurs ont à juste titre souligné le partage dans l’opinion entre les pro-européens et les eurosceptiques. Un autre clivage est apparu : entre ceux qui ont appris que la politique est un patient travail qui se juge à ses résultats et ceux qui pensent qu’elle se joue seulement dans l’ici et le maintenant.