Société9 août 20172À la dérive

J’ai le privilège d’accompagner vers sa fin de vie un vieil ami. Je lui rends visite chaque semaine dans l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes où il a une chambre depuis quelques mois.

 Il se sent enfermé, non pas tant par le règlement de l’établissement que par sa propre dépendance, le déclin de ses forces, la confusion de son esprit.J’ai rédigé le texte ci-dessous alors que j’attendais, au parloir d’une maison d’arrêt, un détenu que je venais visiter. Une autre forme d’enfermement.

À la dérive

Vers l’autre rive

Laissant loin enfouis les bons souvenirs

L’enfance pied-noir

L’épopée de la deuxième DB

La femme aimée

Un pastis avec des amis à l’ombre d’une caravane

Une clé de douze

Un moteur de Land Rover

La maison au bord d’un lac

 

La douleur de ne plus se souvenir

L’effort désespéré et vain pour se rappeler

Le nom d’un proche

La question qu’il fallait poser

La date d’un rendez-vous passé ou à venir

Et qui ne viendra peut-être jamais

Brume, confusion, noyade

 

Le cœur amer,

Le corps en souffrance

Peur et honte de se souiller

Les jambes ne portent plus

Porter plainte

Contre ceux qui maintiennent la vie

Cette vie qui n’en finit pas de finir.

2 comments

  • Benoît

    16 août 2017 at 21h31

    Beau, ton texte, Xavier, poignant.
    Et angoissant

    Reply

  • Véronique Pycke

    14 août 2017 at 10h14

    très beau…

    Reply

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