Cinéma27 décembre 20140Retour à Ithaque

« Retour à Ithaque », film du Français Laurent Cantet, donne une image cruelle de la réalité de Cuba aujourd’hui.

 L’Ulysse qui retourne à Ithaque après des années de tribulation est Amadeo, un Cubain d’une cinquantaine d’années. Seize ans auparavant, il a profité d’une tournée théâtrale à Madrid pour émigrer. Après bien des galères, il est parvenu à se faire une situation et à obtenir la nationalité espagnole. Mais maintenant il entend revenir au pays et s’y établir.

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Ses amis de jeunesse lui font la fête sur la terrasse de l’appartement de l’un d’entre eux, qui domine la mer et la ville de La Havane. Mais bien vite, le ressentiment et l’amertume se glissent dans la conversation. Pourquoi Amadeo n’est-il pas rentré quand sa femme agonisait ? Pourquoi Eddy, un écrivain prometteur, a-t-il choisi de devenir un dirigeant minable, vivant de privilèges et de complaisance ? Pourquoi la veine créative de Rafa, un peintre de talent, s’est-elle épuisée ? Pourquoi Aldo, qui crut au socialisme cubain au point de s’engager dans la guerre d’Angola, est-il devenu amer, et pourquoi son fils Yoenis ne croit-il en rien ? Pourquoi Tania est-elle si triste et si révoltée ?

 Les personnages sont rongés par la pauvreté, la peur et la culpabilité. « Ils ont l’impression qu’on leur a volé leur vie, dit Laurent Cantet, et peut-être aussi qu’ils y ont eux-mêmes contribué, à un titre ou à un autre, qu’ils ont trahi ou qu’ils ont été trahis. »

 Commencé dans la musique, la danse et la joie des retrouvailles, le film se développe dans un huis-clos d’autant plus oppressant que le décor est la mer des Caraïbes et une ville grouillante de vie.

 Laurent Cantet a pu tourner ce film sans concession à La Havane avec des comédiens cubains connus dans leur pays. Est-ce le signe que quelque chose est en train de changer, que le projet d’Amadeo de revenir au pays et d’y mener sa vie d’écrivain est moins insensé que ne le pensent ses vieux amis ? Il est possible que le rapprochement entre Cuba et les Etats-Unis, en gestation lorsque le film a été tourné, ait rendu possible cet espace de liberté.

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