Cinéma16 septembre 20210Serre moi fort

Dans « Serre moi fort », film qui vient de sortir sur les écrans, Mathieu Amalric met en scène une femme à la dérive, en proie à une douleur folle.

 Le spectateur met du temps à comprendre que cette femme, Clarisse (Vicky Krieps) se trouve dans les limbes d’un deuil impossible. L’hiver dernier, une avalanche a emporté Marc, son mari (Arieh Worthalter) ainsi que sa fille Lucie et son fils Paul, adolescents. Ce n’est qu’au printemps que la fonte des neiges livrera les corps.

 Dans l’auberge où elle attend ce dénouement, elle commande chaque jour quatre petits-déjeuners. Ces derniers mois, elle a tenté d’oublier, ne serait-ce qu’un peu, elle a pris la route au volant de la vieille voiture de son mari jusqu’à la mer. « Ça semble être l’histoire d’une femme qui s’en va », lit-on dans le générique du film.

Tout se mélange, le passé qui revient par bouffées, exactement comme il s’est passé ou bien transformé par le désir qu’il ne se passât pas ainsi. Le présent : des alcools avalés à un comptoir pour oublier. L’avenir rêvé : celui de pianiste virtuose que Clarisse rêvait pour sa fille Lucie (Anne-Sophie Bowen-Chatet) et qu’elle investit maladivement sur une adolescente qui a la malchance de lui ressembler.

 Le spectateur doit lâcher prise, consentir à accompagner Clarisse dans cette folle douleur, sans chercher à démêler le vrai du faux, ce qu’elle vit vraiment et ce qu’elle projette. Le réalisateur ne trie pas. La scène où les sauveteurs ramènent les corps est hyperréaliste, comme est hyperréaliste celle rêvée par Clarisse : Marc fait des crêpes avec leurs deux enfants, elle lui transmet par la pensée ses instructions : ne pas protester quand la poêle Téfal est rayée, retirer son T-shirt au prétexte qu’il fait trop chaud.

 Deux médias assurent une continuité sur laquelle le spectateur peut s’appuyer. Le jeu de polaroïds que Clarisse utilise comme un jeu de cartes, faisant parler les protagonistes ; les partitions de Rameau, Beethoven ou Messiaen qui ont accompagné la vie de famille et qui, aujourd’hui, sonnent comme un hymne funèbre.

 « Serre moi fort » est un film difficile, car il demande au spectateur de faire confiance et de se laisser immerger par la musique, la poésie et le chagrin. Il est magnifique, marqué par la superbe interprétation de Vicky Krieps.

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